L'ex-ministre des Finances, Mohamed Terbèche, a affirmé avoir remis le rapport de la Banque d'Algérie au chef du gouvernement d'alors. Après le liquidateur, les inspecteurs, le gouverneur de la Banque d'Algérie et le secrétaire général du ministère des Finances, le procès est monté d'un cran avec le témoignage de M.Terbèche Mohamed, ex-ministre des Finances, de juin 2002 à mai 2003. D'emblée, la présidente passe à l'attaque en lui posant une question introductrice et en toute spontanéité: «Etant ministre à l'époque, qu'est-ce que vous avez à dire?» L'ex-Grand argentier du pays ira directement au but en se sentant visé par le contenu des révélations, mercredi, du gouverneur général, selon lesquelles le ministère avait reçu un rapport, resté sans suite, laissant entendre l'implication de la responsabilité du ministre en personne. Il dira: «Le rapport établi par la Banque d'Algérie, faisant état de dépassements dans la gestion de la banque Khalifa, a été effectivement envoyé au ministère le 18 décembre 2001, date où je n'étais pas encore ministre. Une fois à ce poste, c'est le chef de cabinet du chef du gouvernement de l'époque, qui m'avait informé de ce rapport via une communication téléphonique. Informé, j'avais pris attache avec mon secrétaire général qui m'avait confirmé cela. J'avais ordonné, par la suite, la constitution d'une commission en vue de répondre aux interrogations du chef de cabinet du Premier ministre de l'époque.». Interpellé par la juge sur la disparition du rapport, Mohamed Terbèche répondit: «A vrai dire, une fois informé, nous l'avions cherché, mais nous ne l'avions pas trouvé.». Quant à la lettre de rappel, l'ex-ministre affirma: «Je n'ai pas été informé.». Voulant approfondir davantage le dossier, la juge dira: «Mais une copie du rapport contenant 11 pages vous a été pourtant remise par le vice-gouverneur.» «Tout à fait», rétorqua-t-il. Le témoin ajoutera «Ipso facto, nous avons constitué une commission d'inspection comportant des membres de la Banque d'Algérie, du ministère des Finances ainsi que du Trésor. Suite à cela, il a été établi un procès-verbal en date du 11 décembre 2002.». Quant au résultat, il dira: «La commission bancaire a tout naturellement approuvé le contenu. Réalisant la gravité des faits, elle a immédiatement pris la décision de porter la chose devant la justice.» Pour justifier le non-suivi du rapport, il précisera: «On s'était heurté au fait que les inspecteurs de la Banque d'Algérie n'étaient pas assermentés.» La présidente persista: «Mais il fallait quand même attirer l'attention du garde des Sceaux de l'époque et le problème pouvait facilement être résolu, non?» M.Terbèche répondit: «Des réunions périodiques ont eu lieu pour prendre, écouter et comprendre les rapports établis par Laksaci. Etant ministre des Finances, mes prérogatives étaient limitées au mouvement des fonds.» La présidente donna ensuite la parole au procureur général et aux avocats de la défense. Premier à intervenir, le procureur général dira, dans le but de situer la responsabilité des gouverneurs successifs de la Banque d'Algérie: «La loi 90-10 portant sur la monnaie et le crédit autorise la Banque d'Algérie à intervenir en cas de dépassement. Que pensez-vous?» «Oui, absolument», rétorqua le témoin. La veille, M.Lakhal Abdelkrim, ex-secrétaire général du ministère des Finances, a confirmé que le rapport envoyé par la Banque d'Algérie avait bien été reçu par les services du ministère des Finances, faisant mention des irrégularités et infractions de la part de Khalifa Bank en 2001. Pour étayer ses propos, il rappellera que «le registre des courriers ‘'arrivée'' le confirme. Il y a même une photocopie du rapport déposé au secrétariat.». A la question pourquoi les responsables de la Banque d'Algérie ne s'étaient-ils pas directement adressés au ministre pour l'interpeller sur une affaire aussi grave et urgente, M.Lakhal dira: «Il est des prérogatives du gouverneur général de s'adresser directement au ministre sans passer par mes soins.» La présidente exhiba alors le rapport en question qui porte, à l'intérieur, la mention «urgent», alors qu'il avait été expédié dans un pli normal et ne portant aucune mention comme pour dire que les responsables de la banque avaient commis une faute. Le secrétaire général indiquera que «le ministre Terbèche, qui avait été mis au courant, avait chargé un groupe pour examiner le dossier de Khalifa Bank. Une fois les irrégularités constatées, le ministère avait saisi la Banque d'Algérie pour le traiter en lui retournant ce dossier, car elle était seule souveraine et habilitée à déclencher une enquête.». Cela avait-il été «suivi d'effet?» Il précisera que oui puisque des agents de l'Inspection générale des finances (IGF), assermentés pour réaliser une enquête, ont mené le travail en application de la loi 90-10 du 14 avril. Sur la base des résultats de la commission d'enquête, la Banque d'Algérie avait pris des mesures conservatoires en gelant les opérations du commerce extérieur de Khalifa. De son côté, le vice-gouverneur Touati, appelé à la barre pour s'expliquer sur le retard mis par le ministère au rapport qu'il lui avait été adressé par la Banque d'Algérie, dit avoir adressé un additif pour demander au ministre les motifs de ce retard sans avoir de suite. La juge lui demanda: «Qu'auriez-vous décidé en ayant exercé la double fonction de vice-gouverneur et de directeur général des changes?» Il dit: «Il fallait engager une enquête rapide pour réagir.» «Pourquoi ne l'aviez-vous pas fait?» dira-t-elle. Il poursuit: «C'est ce que j'avais fait en autorisant une enquête pour inspecter la filiale Khalifa Airways. C'est cette inspection qui a découvert les retards considérables dans le rapatriement des devises. Le tout est parti de là.»