Mohamed Terbèche, l'ancien ministre des Finances, a confirmé, hier, au tribunal de Blida, la réception en décembre 2001 du fameux rapport de la Banque d'Algérie sur le commerce extérieur d'El Khalifa Bank par son prédécesseur. Lui-même, nommé par la suite, n'en a pris connaissance qu'après avoir été saisi par le chef de cabinet du Chef du gouvernement en novembre 2002. La commission a bel et bien relevé les infractions existant dans le rapport, mais ne pouvait les exploiter faute de forme légale de rigueur. L'ancien ministre des Finances, nommé à ce poste en juin 2002, n'a pris connaissance de ce fameux rapport envoyé par Ali Touati, vice-gouverneur de la Banque centrale, “à l'institution, à l'Etat…” via son homologue le secrétaire général des Finances, qu'après avoir été saisi par le chef de cabinet du Chef du gouvernement. “La première fois où j'ai pris connaissance de l'existence du rapport du vice-gouverneur de la Banque d'Algérie, c'était au début de novembre 2002, par le biais du chef de cabinet du Chef du gouvernement, qui m'avait interpellé sur les suites données à ce rapport”, dira en préambule Mohamed Terbèche. Il s'agissait de M. Toudjène, chef de cabinet de Ali Benflis, à l'époque. Si la preuve de sa réception par le SG et de sa transmission au ministre des Finances a bien été trouvée au niveau de l'institution, puisque le courrier est bien “enregistré” entre les deux structures, il a été impossible à Mohamed Terbèche de prendre connaissance du contenu du rapport faute de l'avoir trouvé. Il déclarera n'avoir trouvé aucune trace du rapport initial envoyé en décembre 2001 mis à part la notification d'envoi et la “notice d'accompagnement” du SG et de réception du cabinet du ministre sur les registres d'enregistrement du courrier. “Les traces d'acheminement du rapport vers le cabinet du ministre existent.” Ainsi que ceux portant enregistrement de son arrivé au bureau d'ordre. “J'ai dû moi-même le demander au gouverneur et vice-gouverneur. Ils nous ont envoyé une copie”, expliquera-t-il. Lors de la réception de la copie en novembre 2002, il a confié l'étude de ce rapport à une “commission” composée du secrétaire général du ministère des Finances, du chef de l'IGF, du DG du Trésor, de l'agent judiciaire du Trésor. Ses conclusions et son analyse ont été envoyées dans une lettre explicative au Chef du gouvernement et au président de la République. Le rapport comprenait trois parties réparties en 11 pages plus les annexes relatives à la violation des règles prudentielles, et celles concernant les infractions à la réglementation des changes et aux mouvements des capitaux du ressort exclusif du ministre. L'ordonnance 96-22 lui donne la prérogative d'initier les mesures conservatoires et de déposer plainte. À l'époque, Mohamed Terbèche s'est retrouvé dans “l'impossibilité” de déposer une plainte contre El Khalifa Bank. Cette affirmation est justifiée par “l'absence des conditions réglementaires”. C'est la conclusion de la commission installée par Mohamed Terbèche. Celle-ci a relevé que le rapport réalisé par les agents “non assermentés” de la Banque d'Algérie ne permettait pas au ministre de déposer plainte selon les règles établies par l'ordonnance 96-22 et ses textes d'application. “La recevabilité de cette plainte devait inéluctablement passer par l'établissement de procès-verbaux (PV) rédigés par des inspecteurs assermentés.” Impossible puisque la Banque d'Algérie ne disposait pas d'un “tel encadrement”. La commission a recommandé en premier et en urgence de procéder à la prestation de serment des inspecteurs de la Banque centrale. Elle a également donné les pistes possibles pour prendre en charge les infractions relevées, notamment en recommandant l'envoi d'équipes d'inspecteurs de l'IGF, eux étant assermentés selon un arrêté conjoint des ministres des Finances et de la Justice depuis la publication des textes d'application de l'ordonnance 96-22. La mesure a été acceptée. Et les inspecteurs de l'IGF ont intégré les équipes de la Banque d'Algérie procédant à la rédaction des premiers PV d'infraction tels que prévus par la loi. Près d'une douzaine de PV ont été rédigés selon les normes légales et qui ont permis le dépôt d'une dizaine de plaintes contre El Khalifa Bank. Il ne pourra expliquer pourquoi il n'a pas été fait appel aux agents de la Police judiciaire, étant eux assermentés et n'ayant pas besoin des mêmes conditions. Ni pourquoi le dossier n'a pas simplement envoyé au procureur de la République territorialement compétent. Pour Mohamed Terbèche, le rapport de la Banque d'Algérie était “général et non signé”. Alors qu'il porte l'en-tête de l'institution et la structure responsable de sa rédaction, en l'occurrence la direction générale de l'inspection générale, il était également accompagné d'une lettre de transmission signée par le vice-gouverneur Ali Touati et portant son cachet. Ce qui fera réagir par la suite Me Bourayou qui ne manquera pas de soulever la question. “Qu'est-ce qui est le plus important ? La forme ou le contenu ?” La réponse du ministre a été la loi et les impératifs qu'elle fixe à l'intervention du ministre. “De mai 2001 à novembre 2002, les dépôts ont été multipliés par 3 passant de 43 milliards à 135 milliards. Comment ? Est-ce un effet spontané ou bien il y avait une décision politique pour inciter les entreprises et les organismes publics à déposer leur fonds chez Khalifa ?” Mohamed Terbèche renverra la question de l'avocat au gouverneur de la Banque centrale. Les avocats de la défense comme de la partie civile ne manqueront pas de relever le retard d'une année mis dans le traitement du rapport. “Est-il normal qu'un rapport aussi sensible et portant la mention “confidentiel” n'ait pas été exploité pendant un an ? S'agit-il d'une malveillance préméditée…”, demandera un avocat. Pas de réponse de l'ancien ministre renvoyant la balle sur “M. Medelci”, son prédécesseur et actuel ministre des Finances qui sera entendu en qualité de témoin aujourd'hui. Me Meziane, avocat de la partie civile, El Khalifa Bank, demandera à Mohamed Terbèche si le rapport qu'il reçu était “à titre informatif” ou nécessitait-il le dépôt de plainte. La réponse de Mohamed Terbèche est catégorique. “La commission a relevé qu'il y avait des infractions à la réglementation et a donné les moyens pour qu'une suite puisse être donnée et pour que le ministre puisse déposer plainte.” Le respect des formes réglementaires étant une condition sine qua non. Il faudra attendre aujourd'hui pour connaître les réponses du ministre des Finances qui en décembre 2001 était destinataire du premier rapport. Le procureur tente de rectifier le tir L'insistance de la présidente et ses doutes sur le fait que le secrétaire général des Finances ait transmis le fameux rapport de la Banque d'Algérie envoyé par le vice-gouverneur Ali Touati, en décembre 2001, au ministre des Finances de l'époque ont intrigué plus d'un, avocats de la défense, assistance et même le procureur général qui a essayé de rectifier quelque peu les choses. Ce dernier dira qu'à aucun moment Mourad Medelci n'a nié avoir reçu le rapport. Bien au contraire. Le ministre des Finances a certifié, dixit le PG, au magistrat instructeur avoir bien reçu le document en question, mais qu'il était juste à “titre informatif”. Reste à savoir pourquoi le tribunal focalise autant sur Abdelmajid Lakehal tout en sachant cela. D'autant que les déclarations au juge d'instruction ne peuvent être, selon la présidente elle-même, contestées qu'en faux… Samar Smati