La réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Otan, qui s'est tenue vendredi à Bruxelles au siège de l'Organisation, revêt un caractère particulier, pour deux raisons principales. D'abord, l'ordre du jour pour lequel les Européens ont donné la préférence à la question du statut définitif du Kosovo alors que les Américains ont insisté sur la situation en Afghanistan. Ensuite, cette rencontre se tient au même moment où l'envoyé spécial de l'ONU pour le Kosovo, le Finlandais Martti Athisaari, présente son rapport sur le statut final du Kosovo. A Bruxelles, Condoleezza Rice a mis sur la table l'effort financier des Américains pour la reconstruction et la sécurité en Afghanistan (de l'ordre de 9 milliards de dollars après accord du Congrès) et a appelé les partenaires de l'Alliance à la solidarité. Le Canadien, James Appathurai, porte-parole de l'Otan a abondé dans le même sens dans un point de presse en marge de la rencontre. Pourtant, dans les coulisses de l'Otan, les informations font, fait rare, état d'une crispation des Européens, notamment les ambassadeurs, quant à un effort financier supplémentaire pour l'Afghanistan. Les USA comptent, sur ce point précis, sur la solidarité des pays tiers qui participent dans la force internationale d'assistance et de sécurité en Afghanistan (FIAS) comme l'Australie, le Japon et la Corée du sud conviés à Bruxelles, samedi, dans le cadre d'une réunion élargie aux partenaires. Les Européens (et la Russie d'ailleurs) sont plus préoccupés par l'urgence d'une solution au Kosovo. C'est que la situation paraît, malgré la médiation de l'ONU, inextricable entre Serbes et Kosovars, et risque de mettre le continent européen dans une crise majeure où la violence armée n'est pas exclue. Cette urgence est, bizarrement, compliquée par le fait que la force internationale d'interposition au Kosovo, sous commandement de l'ONU, devrait laisser place dans les semaines à venir à une force militaire européenne sous la responsabilité de l'Union européenne. L'autre donne qui complique les enjeux stratégiques, et donc cette rencontre spéciale de l'Otan à Bruxelles, est relative à l'attitude de la Russie. Il n'est un secret pour personne que le Kremlin soutient la Serbie dans sa volonté de garder le Kosovo sous sa souveraineté. Poutine a des arguments solides pour cela. Si l'ONU reconnaît un Kosovo indépendant, la Russie ferait de même pour l'Abkhazie et l'Ossetie face à la Georgie, voire de la Transnistrie face à la Moldavie ou le Haut Karabakh face à l'Azerbaïdjan. Les observateurs politiques n'ont pas manqué de relever l'absence de la Russie à la rencontre de Bruxelles, alors qu'habituellement, la Russie est conviée au deuxième jour à ce genre de rencontre, dans le cadre du Partenariat stratégique Otan - Russie. C'est dire combien l'ombre de Moscou a plané sur la réunion de vendredi. Par ailleurs, les Européens ne souhaitent (ne veulent pas) participer à un renfort des troupes militaires en Afghanistan. Les Américains insisteront-ils sur ce point lors de la réunion des ministres de la Défense de l'Otan qui se tiendra à Séville (Espagne) les 8 et 9 février prochain? Dans tous les cas, les Européens, préoccupés par la situation à haut risque du Kosovo et d'une nouvelle flambée de violence à leurs portes, ne sont pas prêts à suivre les Américains sur l'ordre des priorités que doit traiter l'Otan, comme l'ONU d'ailleurs. L'année 2007 commence mal pour George Bush. Après les réticences du Congrès américain dominé par les démocrates, le voilà qu'il affronte l'Europe au sein de l'Otan. Si les raisons ne sont pas les mêmes pour l'Europe et le Congrès américain, le but est identique: refuser la logique préférée de la Maison-Blanche, celle des armes, et plaider pour plus de diplomatie et de consensus.