Les Palestiniens semblent avoir franchi ces dernières quarante-huit heures une ligne rouge au moment où les combats font rage. Cette ligne rouge, c'est la guerre civile, et les craintes sont aujourd'hui réelles, tant les positions du Hamas et du Fatah se sont éloignées, alors que le pire peut arriver à tout moment, quand les priorités des Palestiniens sont autres. Le secrétaire général du CCG (Conseil de coopération du Golfe) Abderrahmane Al-Attiyah, alarmé, a averti: «L'effusion du sang palestinien est une ligne rouge qu'il ne faut pas franchir». Mais les deux parties sont-elles en état d'écouter les conseils de sagesse et de retenue qui leur sont prodigués au moment où les Palestiniens vivent les heures les plus sombres de leur histoire qui n'en manque pourtant pas. Commencés jeudi par des escarmouches entre partisans du Hamas et du Fatah, après la mort d'un milicien du Hamas, les combats sont allés crescendo dans les journées de vendredi et de samedi pour devenir hier, des affrontements sanglants à la roquettes entre les deux camps. Hier, il a été relevé la mort de 24 personnes lors des trois derniers jours de combat. Ce sont là les affrontements les plus meurtriers enregistrés depuis la victoire en janvier 2006 du Hamas aux législatives et l'avènement en mars des islamistes à la tête du gouvernement de l'Autorité autonome palestinienne. La présidence palestinienne avait condamné samedi cette escalade de violence et appelé au calme, mais cet appel était hier encore ignoré par les deux parties. La présidence de l'Autorité palestinienne a ainsi appelé à «mettre fin à l'escalade et aux campagnes dans la presse qui provoquent la discorde et menacent la cause palestinienne». Cela semble aujourd'hui sans effet quand autant la présidence palestinienne, dirigée par Mahmoud Abbas, chef par ailleurs du Fatah, que le gouvernement islamiste avec à sa tête un responsable du Hamas, Ismaïl Haniyeh, se sont eux-mêmes engagés dans un dialogue de sourds faisant peu cas des éventuelles retombées que peut susciter leur différend politique oubliant que l'intérêt et le devenir de la Palestine sont ailleurs. Ni les uns, ni les autres ne semblent ainsi près -ou même désireux- de faire les concessions nécessaires à même de rétablir le calme, à défaut de trouver l'entente ou le consensus pour mettre en place le cabinet d'union nationale, seul à même de permettre aux Palestiniens de dépasser l'étape difficile qu'ils vivent maintenant depuis une année. En 2006, à plusieurs reprises, les deux camps ont frôlé le point de non-retour dans des affrontements fratricides qui ont endeuillé de nombreuses familles palestiniennes. Ces affrontements qui faisaient rage hier, avaient commencé jeudi en mettant aux prises les deux belligérants qui sont allés jusqu'à utiliser des armes lourdes. Mais, sous certains de ses aspects, ce qui se passe dans la bande de Ghaza ressemble fort à des vendettas ou vengeances de clans contre d'autres clans, lorsque les enfants deviennent les dommages collatéraux de ces affrontements. Ainsi, des militants armés du Hamas ont pris hier d'assaut un immeuble résidentiel à Beit Lahya, dans le nord de Ghaza, pour s'emparer d'un partisan du Fatah, ce qui a entraîné la mort du fils d'un responsable du Fatah, un garçon de 11 ans, tué par balles selon une source médicale. Dans cette escalade de la violence, un membre du Hamas a laissé la vie dans l'explosion d'une mine qu'il tentait de placer près du quartier des services de renseignements palestiniens (Fatah) Au total, 24 personnes, pour la plupart des membres des deux mouvements, ont été tuées et près de 60 autres blessées depuis jeudi soir, lorsque un attentat à l'engin piégé visant des hommes de la Force exécutive, contrôlée par le Hamas, a mis le feu aux poudres. Samedi soir, le haut comité de suivi a tenté en vain de trouver un nouvel accord de cessez-le-feu. Plusieurs voix se sont élevées hier dans le monde arabe, dont celle du secrétaire général du CCG, appelant au calme et à la retenue. Sans résultats, les deux parties demeurant sur leurs positions. Face à la gravité de la situation, le Premier ministre, issu du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a appelé hier «au calme» après les violences partisanes qui ont marqué la bande de Ghaza ces trois derniers jours. «Nous réitérons encore et encore notre appel au peuple palestinien: vous devez protéger l'unité nationale, faire prévaloir le dialogue, le langage de la raison, retirer les armes des rues et mettre fin aux tensions», a affirmé M.Haniyeh lors de la réunion hebdomadaire du cabinet. Il a assuré que son cabinet allait prendre «des mesures pour contenir cette crise profonde», sans indiquer quelles seront ces mesures. «Nous souhaitons, également, lancer un appel au président Abou Mazen (Mahmoud Abbas) pour qu'il prenne d'urgence une décision afin de retirer les hommes armés des rues et les barrages érigés dans les principales artères de la ville de Ghaza», a ajouté M.Haniyeh. Toutefois, il est patent que les torts sont partagés et que dans cette lutte pour le pouvoir, et qui n'est rien d'autre, les deux principaux partis palestiniens, le Hamas et le Fatah, ont perdu de vue le fait que la cause palestinienne, qui ne se négocie pas, doit rester au-dessus des tentations politiciennes qui, loin d'aider les Palestiniens à fonder leur Etat indépendant, ne feront que les éloigner des objectifs pour lesquels des générations de Palestiniens se battent depuis 60 ans.