Afin de rattraper le temps perdu, les responsables ont recruté 16 remplaçants dans le cadre du préemploi. La grève des enseignants du lycée Emir Abdelkader d'Alger, ex-Bugeaud, se poursuit et atteint, aujourd'hui, son 35e jour, soit son entrée dans la 6e semaine. Dans ce feuilleton, assimilé à celui de Tom and Jerry, les élèves sont pris en otage. Plus de 500 lycéens de la classe terminale, potentiels candidats à l'épreuve du baccalauréat, et environ 2000 élèves des classes inférieures, sont victimes de cet enjeu. Les protagonistes s'accusent mutuellement. La directrice de l'établissement, Fatma-Zahra Mansouri, n'est pas allée par trente-six chemins pour lancer des tirs croisés à l'encontre du porte-parole du Conseil des lycées d'Alger (CLA), Osmane Redouane, en l'accusant de «perturbateur». «Les perturbations ont commencé depuis l'arrivée de Osmane dans notre établissement. C'est toujours lui qui était derrière ces mouvements de grève. Il n'a pas cessé de me demander de le reconnaître en tant que représentant du syndicat au niveau de mon établissement. Je lui ai expliqué que je ne suis pas le ministre concerné pour agréer les syndicats, alors vous n'avez qu'à aller voir ailleurs», a déclaré la directrice à L'Expression, qui est, également, secrétaire générale de l'Académie d'Alger-centre. Une fois encore, le problème de représentativité syndicale fait des élèves, des victimes. N'ayant pas accepté les critiques de son chef d'établissement, Osmane Redouane n'a pas mâché, à son tour, ses mots pour l'accuser de «falsificatrice de documents officiels». «Nous avons remis des preuves à la tutelle, dans lesquelles nous avons mentionné que le chef de l'établissement a falsifié les documents des enseignants sur plusieurs questions, notamment celles relatives à la prime de rendement», a précisé le «représentant» du collectif des grévistes, également porte-parole du CLA, lors du sit-in des enseignants, organisé hier, devant l'entrée principale du lycée. Les autres enseignants dénoncent «la multitude de dépassements et de transgressions commis par Mme la proviseure, tels que retraits abusifs sur salaire, manipulation des élèves contre les enseignants et favoritisme dans les notations». Afin de baisser un peu la tension, la proviseure a déclaré «qu'on a tenté, à maintes reprises, de désamorcer la grève en appelant les grévistes au dialogue, mais ces derniers ne veulent, en aucun cas, rester à la table de discussions». Cette affirmation a été rejetée dans la forme et dans le fond par Osmane Redouane. «On n'a jamais refusé le dialogue, mais on a rejeté la formulation de l'inspecteur de l'Académie d'Alger car, il n'a pas accepté d'emblée nos moutures.» Pour permettre aux élèves de rattraper le temps perdu, les responsables ont procédé au recrutement de «remplaçants» dans le cadre du préemploi. «Afin de ne pas abandonner nos enfants, nous avons recruté, avec l'aval des parents d'élèves et de la tutelle, 16 remplaçants dans le cadre du préemploi pour les élèves de la classe terminale.» Selon la déclaration de Mme Mansouri, sur 40 enseignants grévistes, la tutelle n' a procédé qu'au remplacement de 16. Donc, les classes de la 1re et 2e années sont en wait and see. Concernant cette question, Redouane Osmane a qualifié ce recrutement d'illégal, voire une violation flagrante de la loi. L'article 57 de la loi 90-02 stipule que «nul ne peut recruter un travailleur au détriment d'un gréviste lorsqu'il est en grève légale». En réponse à la revendication des grévistes qui exigent le départ «inconditionnel et officiel» de la directrice, le ministre a affirmé que celle-ci «ne partira pas». Donc, Mme Mansouri est bien confortée par le ministre. Les grévistes, par écrit, insistent sur leur décision de ne pas rejoindre les salles des cours tant qu'elle est toujours en poste. Résultat: les élèves sont les victimes de ce bras de fer.