Le rapport d'expertise accable, certes, les accusés mais remet en cause le fonctionnement des deux agences victimes de la passivité de leurs responsables. Des transactions irrégulières, échanges de traites, truanderie dans les pratiques commerciales, c'est ce qu'a conclu hier M.Djaâfri Mokhtar en sa qualité d'expert désigné par le juge d'instruction en novembre 2003 afin d'élucider le phénomène Bcia. Hier, l'assistance du tribunal criminel d'Oran est restée ébahie. La journée sera marquée à jamais dans l'histoire des affaires financières locales au vu du rapport d'expertise rendu public. Le témoignage, tant attendu de Djaâfri, en sa qualité d'expert et ancien directeur de la BNA, a permis enfin de lever le voile sur l'affaire. L'ancien directeur de la BNA dira d'emblée que techniquement, l'affaire BEA-Bcia a été constituée par un cercle vicieux. Des sommes colossales étaient retirées de la BEA sans que les responsables de cette banque ne s'en soucient. «Y a eu négligence», a-t-il ajouté. Des traites ont été tirées par des clients au profit d'une banque (désignant la Bcia). L'expertise a démontré, également, la certification frauduleuse des chèques sans provision. Ces transactions tournent autour du cercle BEA-Bcia, BEA-BEA, BEA-ABC (Arabian Bank commercial) et BEA- Natexis. Que ce soit à l'agence de Medioni (Oran) ou de Sig (Mascara), les mêmes noms reviennent toujours au-devant de la scène. L'expert établira un état de quatre pages sur lequel est signalé un préjudice de 9,9 milliards de DA causé par le biais des traites avalisées. Le reste du montant, soit 4,3 milliards de DA, est l'objet d'émission de chèques sans provision. En fait, l'affaire du rejet de la Bcia d'honorer en avril 2003 les 41 traites n'a été que la goutte qui a fait déborder le vase. «Ce n'était qu'un détail». Car, selon l'expert, il a été découvert d'autres traites en instance qui devaient être réglées par la banque des Kharoubi. Le paiement des traites, rejetées, devaie être fait par la Bcia qui n' a pas tenu ses engagements. D'autres lettres de change s'échangeaient sans qu'elles soient enregistrées à la Bcia. Les conclusions de M.Djaâfri ont été tirées de ses investigations effectuées sur les examens des relevés de comptes au niveau de la BEA. Examens qui ont débouché sur la découverte des compte débiteurs. Mieux encore, ces clients bénéficiaient des crédits sans garantie concrète. Il citera à titre d'exemple, les traites avalisées par la Bcia dépourvues de dispositions de garantie (absence d'assurance sur crédit et caution solidaire). La seule garantie d'assurance relevée émane de la Sarl El Hana (société d'assurance) qui appartenait aux Kharoubi. La BEA devait, en principe, exiger, pour sa part, de telles garanties, conformément aux règles en usage à la BNA, a témoigné son ancien directeur qui a eu à avaliser de telles transactions. Ceci dit pour partager le risque. Quant au motif de retard évoqué, selon l'orateur, il n y a aucune raison de les rejeter. Auparavant, «on transmettait des traites par voie de coursier ordinaire dont l'acheminement durait jusqu'à deux mois» a-t-il ajouté. Le gros de l'enquête est focalisé, notamment, sur les transactions émises par Addou Samir de la Sotrapla, Selmane Abderrahmane et la société Fouatih et Nbia. A ce niveau, M.Djaâfri est revenu sur l'autorisation de crédit alloué à la Sotrapla, spécialisée dans l'importation du sucre qui est de l'ordre de 800 millions de DA, alors que la même société a eu à escompter, en une seule journée, des traites d'une valeur de 2,5 milliards de DA. Ce qui dépasse de 3 fois sa ligne de crédit. Ce fait n'a, en aucun cas, attiré l'attention des responsables locaux, s'est interrogé l'expert. «Le rôle du directeur de l'agence est de justifier cette hausse, le comble, c'est qu'on a escompté et on a réduit l'opération dans le compte de la comptabilité». Sur les restitutions des montants colossaux qui ont été retirés, alors que la marchandise n'a, à ce jour, pas été livrée à leurs clients, il dira dans ce chapitre que s'il y a eu l'aval de la Bcia, les transactions des marchandises non réceptionnées à base de traites doivent être justifiées. Le témoignage de l'expert confirme, sans nul doute, l'existence des commerçants fictifs qu'on a utilisés comme des pionniers. Le montant transféré par le biais de la Bcia, suite au mouvement permanent existant entre la Sotrapla et Oualla Abderezzak, est de 1 milliard de DA. Sur l'ensemble des échantillonnages qu'a eus à traiter l'expert, plusieurs anomalies ont été signalées. Tel que le cas de Bounab qui s'est présenté à la Bcia avec des bons de caisse de 600 millions de DA sans avoir une ligne de crédit. A l'agence de Sig on a, délibérément, dissimulé des chèques tels que ceux des banques ABC et Natexis tirés après escompte par Selmane Abderrahmane. En tout état de cause, le rapport d'expertise accable, certes, les accusés mais remet en cause le fonctionnement des deux agences victimes, caractérisées par le laxisme et la passivité de leurs responsables.