Finalement, le Président de la République a décidé de fixer la date des élections législatives en ignorant les menaces de boycott en Kabylie. Une semaine après avoir reçu neuf partis politiques au siège de la présidence, Bouteflika s'engage à organiser les législatives le 30 mai prochain, non sans avoir consulté et pris les avis des principaux chefs des partis politiques qui vont animer la première élection sous l'ère Bouteflika. Mais pour convaincre ces formations politiques, le Président a eu à donner quelques garanties à des partis échaudés par l'expérience des législatives de 1997 et les menaces de fraude électorale. Sur le plan du principe, la première garantie de Bouteflika est morale. Le Président veut organiser des élections «régulières et libres» qui ne soient pas entachées d'irrégularités. Bouteflika joue sa crédibilité, non seulement face aux partis et à l'opinion publique nationale, mais aussi et surtout face à la communauté internationale. Après avoir travaillé dans le sens d'un recouvrement de la crédibilité de l'Etat sur le plan extérieur, il serait malvenu de voir que Bouteflika épuise tout le capital crédibilité qu'il a engrangé, tant au niveau africain, arabe qu'international, en ne maîtrisant pas le processus électoral. Il aura d'autant plus à coeur de réussir une élection crédible du moment qu'il n'oublie pas qu'il fut lui-même taxé de Président «mal élu» en avril 1999. Sur le plan politique, l'organisation de ces élections paraît comme un gage de solidité de son pouvoir politique. Face à la contestation en Kabylie, Bouteflika, avec le soutien tacite des partis politiques qui adhèrent à la dynamique électorale, met les ârchs, particulièrement les radicaux, devant le fait accompli. Pas question de report ou de tergiversation dans le calendrier électoral. Le pouvoir tient à respecter les délais et minore les revendications des frondeurs de la Kabylie à leur simple expression. Le boycott des ârchs, qui se profile, ne risque d'affecter que trois wilayas (Béjaïa-Tizi Ouzou et Bouira), dans une région qui, traditionnellement, vote déjà assez peu. Sur le plan technique, troisième garantie du pouvoir, Bouteflika a insisté sur le contrôle et le suivi de l'organisation. En aval, il a installé un «dispositif de surveillance politique de la régularité des élections» sous la forme d'une commission gouvernementale chargée de coordonner entre les doléances et les remarques des formations participantes et les impératifs de la préparation. Cette garantie technique a été négociée avec les partis qui ont, d'ailleurs, formulé des remarques techniques pertinentes pour que les élections ne soient pas biaisées par des pratiques frauduleuses. Sur l'ensemble des aspects, Bouteflika semble avoir balisé le terrain à des élections honnêtes. Mais reste que l'agitation en Kabylie, qui risque de se durcir à l'approche des élections, la surenchère de certains partis de l'opposition ainsi que la tentation de certains courants au sein des partis de la majorité de rééditer 1997 laissent planer, toutefois, quelques risques de dérapages.