Des milliers d'experts dans cette filière ont quitté le pays pour le Canada principalement. Il y a une production scientifique qui est en train de se développer dans notre pays mais qui n'est pas valorisée. C'est le constat établi, hier, par les participants à la table ronde du forum d'El Moudjahid portant sur l'état des lieux dans le secteur informatique en Algérie. La directrice générale de l'Institut national informatique (INI), Mme Drias, a révélé que plus de 90% des informaticiens quittent le pays chaque année. Ils sont, en fait, 3000 experts en informatique qui ont quitté le pays entre 1992 et 1996, au moment où le nombre d'hommes d'affaires algériens établis en Europe s'élève à 99.000. Leur destination est, généralement, le Canada, précisera-t-elle. «C'est malheureux, car il y a beaucoup qui partent et qui reviennent au bout d'une année.» Mme Drias fait allusion à ceux qui partent vers l'Europe car ces pays font une sélection draconienne des diplômés. Pour elle, les universitaires n'arrivent même pas à résoudre l'équation «rester ou fuir le pays». Les raisons qu'elle a avancées sont multiples. Elle a insisté sur le fait qu'il n'y a pas assez de demandes d'emploi de la part des entreprises qui, selon elle, tournent le dos aux diplômés. D'autres participants, comme le professeur Bougachiche, ont parlé de la marginalisation de la recherche dans notre pays. Pourtant, 600 laboratoires de recherche ont été créés depuis 2000, précisera Mme Drias. Elle a proposé que soient revus les statuts de l'entreprise et de l'université. Elle fera ressortir, également, la nécessité de «mettre en place des systèmes de convention INI-entreprises» et d'«imaginer des projets en liaison avec l'entreprise dans la recherche appliquée, notamment, et créer des structures pour développer des projets à travers des formations, du consulting...». Le phénomène de la fuite des cerveaux ne touche pas seulement les informaticiens mais presque tous les universitaires. Selon la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune, le ministère de l'Enseignement supérieur est responsable de la fuite des enseignants. Pour elle, «aucun engagement de sa part vis-à-vis des enseignants n'a été respecté que ce soit en matière d'augmentation des salaires ou du statut particulier». Chose qui a, selon elle, contribué à faire fuir, chaque année, un nombre important d'enseignants à l'étranger. Elle donnera le chiffre de 500 enseignants universitaires qui ont quitté le pays cette année pour les mêmes raisons. Pourtant, a-t-elle poursuivi, l'université enregistre un déficit de 25.000 encadreurs. Par ailleurs, des études ont révélé que le nombre de chercheurs algériens ayant émigré au cours des dix dernières années, a atteint 40.000. Ce n'est pas tout. La perte financière engendrée par cette hémorragie, entre 1992 et 1996, s'élève à 40 milliards de dollars. Faute de bonne gouvernance, les pays en voie de développement, à l'exemple de l'Algérie, perdent, annuellement, environ 50% des ressources dont ils disposent. Ce phénomène de déperdition en ressources humaines du pays doit être appréhendé dans sa globalité. Il est lié à la malvie associée à l'absence de civisme et aggravée par la corruption qui le rendent pareil à un cancer qu'il faut traiter avec une forte chimiothérapie si l'on veut sauver le pays. La réforme de la justice qui commence à donner ses premiers fruits et l'éducation civique qui reprend ses droits à l'école ouvrent la voie à la «guérison». Le chemin reste cependant long et il faut y ajouter des actions sociales et culturelles pour entrevoir les premiers bienfaits. Pour l'instant et comme la filière informatique est très cotée à l'étranger, nos jeunes la choisissent dans certains cas comme moyen d'émigration. Une forme de harraga améliorée. Il en va de même de nos chercheurs toutes filières scientifiques confondues. Il est urgent, par des moyens appropriés, d'arrêter l'hémorragie.