L'objectif visible est la traque du Gspc, «qui menacerait toute la région, pour peu que ses unités de combat soient plus importantes». «L'Algérie n'a jamais accepté l'installation de bases étrangères sur son sol, (qui serait) incompatible avec sa souveraineté et son indépendance». Cette fin de non-recevoir du ministre algérien des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, résume trois années de jeu au chat et à la souris entre Alger et Washington.Depuis 2003, année de l'ébauche de l' «Initiative Pan-sahel», la PSI, les appels du pied se sont succédé pour pousser Alger à accepter l'idée de la création d'une base militaire dans le Sahara, et qui fera office de «mirador» de la région saharo-sahélienne. Récemment encore, la sous-secrétaire d'Etat américaine pour la diplomatie publique, Karen Hughes, avait évoqué la création de cette nouvelle structure militaire lors d'une visite à Alger, qui s'est achevée il y a à peine une semaine. En fait, et depuis quelques années, les Etats-Unis ont tout fait pour prendre pied au Maghreb et dans le Sahel. L'objectif visible est la traque du Gspc, «qui menacerait toute la région, pour peu que ses unités de combat soient plus importantes». Les pays de la région, comme le Djibouti, le Mali, le Niger, la Mauritanie et le Tchad, confrontés à d'énormes problèmes politiques, sécuritaires et sociaux, «font le jeu» de cette traque, qui, d'un côté les légitime dans un pouvoir qui leur est contesté, et qui les absout, d'un autre côté, de toute relation avec les «terroristes», tout en leur faisant gagner quelques millions de dollars. Une vraie aubaine... Cependant, Alger, qui ne souffre pas des dysfonctionnements des pays sahéliens, mais qui est confrontée à la traque du Gspc dans la région, est restée dans l'expectative de se voir pousser à dire «non» à une demande jamais formulée. L'une des causes les plus importantes de ce refus qui attendait son heure, est que la région du Sahel est entrée dans une zone de turbulences graves. De la Mauritanie à la Somalie, en passant par le Mali, le Niger, le Tchad et le Soudan, il n'y a pas un pays qui ne craint un avenir sombre. Les signes ne manquent pas pour cela. Et une présence américaine ne ferait que renforcer les groupes rebelles de la région dans leur conviction que les visées de Washington dans la région sont d'ordre néo-impérialistes et anti-islamiques, ce qui aurait aussi pour effet de rajouter de nouvelles recrues aux candidats déjà nombreux de la guerre contre Bush. L'IPS avait été en fait «l'éclaireur» de Washington sur les dispositions des pays concernés. D'autres programmes de coopération ont fait suite à l'Initiative pansahélienne, programme de formation militaire remontant à 2003 et intéressant le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad qui a permis en 2005 de s'opposer avec succès à un groupe d'extrémistes. L'Initiative pansahélienne a été élargie pour devenir un nouveau partenariat de formation appelé l'Initiative transsaharienne de lutte contre le terrorisme (Transsahara Counterterrorism Initiative ou Tsci) à laquelle participent, également, l'Algérie, le Maroc, le Nigeria, le Sénégal et la Tunisie. Il est question que la Libye y participe, également, plus tard. Mais aucun pays n'a réellement saisi les contours de cette «danse du scalp» qu'on lui faisait danser... Sur le plan financier pur, Alger ne peut aussi que constater l'avarice américaine, et son peu d'engagement au plan financier. Il y a quelques jours l'Administration américaine a demandé, dans son projet de budget au titre de l'année 2008, d'allouer une assistance de 29,05 millions de dollars au Maroc. Pour les autres pays du Maghreb, le département d'Etat a accepté d'accorder 4,76 millions de dollars à la Tunisie, 2,88 millions à l'Algérie, 6,95 millions à la Mauritanie et 1,15 million à la Libye. Le montant total de l'assistance américaine à la région du Moyen-Orient est estimé à 5,4 milliards de dollars. Israël est le plus grand bénéficiaire avec 2,4 milliards, suivi de l'Egypte avec 1,72 milliard. Au plan de la coopération militaire et sécuritaire pure, alors qu'un pays allié comme la Jordanie bénéficie d'une aide de 80 millions de dollars pour venir à bout des poches islamistes radicales et terroristes, les trois pays du Maghreb réunis ne bénéficient que de 60 millions USD. D'où les interrogations sur l'énormité des enjeux, visibles et secrets, de Washington, et l'insignifiance des moyens mis en jeu. Les interrogations qui pointent à longueur de lignes concernent ces menaces incessantes de groupes islamistes qui, en fait, ne font que le jeu des stratégies de puissances.