Les Arabes, qui ont confirmé le plan de paix adopté à Beyrouth, ne détiennent pas, à eux seuls, les clés de la paix au Proche-Orient. Le problème pour les Arabes est que leur marge de manoeuvre est très étroite et ne dépend aucunement de leur bon vouloir, comme l'illustre le rejet, en 2002, par Israël, d'une offre de paix arabe qui propose, rien de moins à l'Etat hébreu, que sa reconnaissance par des Etats arabes. Cette offre, en fait généreuse, vue avec le recul, a été dédaigneusement rejetée par les autorités israéliennes de l'époque qui n'y voyaient aucun élément nouveau susceptible de débloquer la situation. Or, cinq ans après, ces mêmes autorités israéliennes (représentées notamment par le Premier ministre, Ehud Olmert, et la ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni) trouvent quelques attraits à l'offre arabe et estiment qu'elle constitue une «base de négociation» très plausible. On peut toujours estimer aujourd'hui que cinq ans ont été perdus pour la paix pour les deux communautés (palestinienne et juive) qui se sont astreintes à compter leurs morts durant toute cette période. Revenir aujourd'hui sur le sujet est une bonne chose, mais encore faut-il fixer les règles qui s'appliquent à tous et singulièrement à Israël qui a toujours été derrière le gel des efforts consentis depuis 1991 pour trouver une solution consensuelle au contentieux israélo-palestinien. En 1994, c'est Israël qui a gelé unilatéralement le processus de paix dans le cadre de l'accord OLP-Israël d'Oslo, en interrompant le retrait de ses troupes des villes palestiniennes; en 2000, c'est encore Israël qui a fait obstacle à la conclusion de l'accord de paix de Play River (aux Etats-Unis) entre le président Yasser Arafat et le Premier ministre israélien, Ehud Barak, sous les auspices du président américain, Bill Clinton. Du fait encore d'Israël, les recommandations de la Feuille de route du Quartette pour le Proche-Orient (USA, UE, ONU et Russie) sont demeurées lettre morte par le refus d'Israël de s'y conformer, comme Israël a rejeté, en 2002, l'offre de paix du Sommet arabe de Beyrouth. Le cercle est ainsi bouclé d'autant que c'est Israël qui a constitué, de tout temps, un obstacle pour le processus de paix et non point les Palestiniens - ou les Arabes - qui ne pouvaient faire que l'offre de reconnaître l'Etat hébreu et d'établir des relations normales avec lui contre le retrait des territoires arabes occupés en 1967 pour, à tout le moins, permettre l'érection de l'Etat palestinien. Or, non seulement, Israël a rejeté l'offre arabe, elle a, depuis 2002, accentué la judaïsation de Jérusalem-Est, poursuivi l'expansion des colonies de peuplement juives en Cisjor-danie et continué la construction du «mur de séparation» qualifié d'illégal par la Cour internationale de justice de La Haye. Si réellement Israël voulait la paix, pourquoi a-t-il refusé l'envoi de Casques bleus dans les territoires palestiniens en 2002 (suite aux massacres par l'armée israélienne des réfugiés des camps de Jénine en Cisjor-danie) la résolution ayant été bloquée par le veto des Etats-Unis. Ce sont là des faits, qui montrent qu'Israël n'est toujours pas prête à une paix véritable avec ses voisins arabes du fait, sans doute, que la «communauté internationale» s'interdit de faire pression sur Israël comme elle en use volontiers lorsqu'il s'agit des Palestiniens, allant jusqu'à asphyxier un peuple économiquement, financièrement et socialement. Mais, n'est-ce pas -comme ne manque jamais de le rappeler la diplomatie américaine- «on n'impose rien» à Israël qui prend «souverainement» ses décisions, même si celles-ci vont à l'encontre des intérêts de l'Etat hébreu. En réalité, Israël n'a jamais fait d'approche sérieuse de la question proche-orientale, s'en tenant à son immuable diktat et n'ayant jamais considéré les Arabes comme des interlocuteurs égaux, mais des gens juste bons à se soumettre et à exécuter ses ordres. Cette vision fausse de ses rapports avec les Arabes a, en fait, empêché Israël de voir où se trouvait son intérêt, car la paix au Proche-Orient a un prix, et celui-ci reste, sine qua non, le retrait des territoires palestiniens occupés. Aussi, toute approche qui ne prenne pas en considération cette donne du contentieux serait vaine, de même si n'est pas pris en compte le droit du peuple palestinien à vivre libre et indépendant dans les frontières de son Etat. Toute autre démarche ne peut qu'être vouée à l'échec. Et la commission préparatoire du Sommet arabe en recommandant aux monarques et chefs d'Etat arabes de reconduire, en l'état, l'offre de paix arabe de 2002, ne pouvait faire ni plus ni moins de ce qui représente un minimum arabe pour le retour de la paix dans la région. En fait, depuis toujours la balle est dans le camp israélien, comme elle n'a cessé de l'être depuis les accords de paix de 1993 et leur gel par le gouvernement de Benjamin Netanyahu. Les faits sont têtus et Israël, et à travers elle son protecteur américain, doit bien admettre que la paix dépend, en fait, des seuls Israéliens qui doivent savoir, enfin, ce qu'ils veulent et s'ils sont prêts à donner une réponse positive à l'offre arabe, qui est en phase avec les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité de l'ONU. Il faudra bien qu'Israël se convainc un jour que son seul interlocuteur, ce sont les Palestiniens, c'est avec eux qu'il lui faudra négocier la paix. Aucun Sommet arabe, quel que soit le mandat dont il est investi, ne peut se substituer aux Palestiniens; en revanche, un accord avec ces derniers permettra à Israël de normaliser ses relations avec les 22 Etats arabes. Aussi, la question n'est pas celle qu'avancent les médias internationaux, qui se demandent ce que vont décider les Arabes, mais bien celle-là, et uniquement celle-là: Que va décider, enfin, Israël? En fait, il faut le souligner, la paix, au Proche-Orient, ne dépend pas, comme elle n'a jamais dépendu, des Arabes - à moins qu'ils se soumettent au diktat d'Israël et de Washington - mais uniquement de l'Etat hébreu. Plus tôt, la «communauté internationale» et le Quartette (obnubilé par les pressions contre le peuple palestinien) s'en convainquent, plus tôt la paix a des chances de s'établir au Proche-Orient.