L'industrie pétrolière a des conséquences matérielles au-delà de la question énergétique. Les principaux pays exportateurs de gaz, dont l'Algérie, se réunissent demain et après-demain au Qatar pour débattre de la création d'un cartel du gaz sur le modèle de l'Opep, même si l'idée en elle-même semble peu probable à court terme et ne fait pas encore le consensus au sein des pays exportateurs de gaz. Néanmoins, force est de reconnaître que l'idée de la création d'une Opep du gaz inquiète les pays consommateurs. L'ordre du jour aura, certes, trait à la stabilisation du marché pétrolier et à la recherche de nouveaux mécanismes à même de stabiliser les cours du pétrole, et cela sur fond de création d'une Opep du gaz. D'autant que le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, affirmait qu'il était «fort possible qu'un des participants au Forum mette cette question à l'ordre du jour», soulignant qu'il y avait «des discussions en parallèle entre les pays intéressés par cette idée, notamment l'Algérie, la Russie et le Qatar». Tandis que le président-directeur général de Sonatrach, Mohamed Meziane, a indiqué, jeudi, qu'il devrait être envisageable de permettre aux pays producteurs de «s'organiser» quand «les consommateurs, les clients s'organisent». Dans ce contexte, le contrat signé entre Sonatrach et le géant russe Gazprom, deux des principaux fournisseurs de gaz de l'Europe, a été l'étincelle. Et depuis, l'Europe tremble. Normal, l'Europe importe plus de la moitié de son gaz. Du fait que l'industrie pétrolière a des conséquences matérielles au-delà de la question énergétique. Naom Chomsky résume bien la situation quand il affirme, en ce qui concerne les intérêts économiques des Etats-Unis, «je pense qu'il y a une distinction à faire. Le premier intérêt -et c'est vrai partout au Moyen-Orient,- ça a toujours été le contrôle, et non pas l'accès, et non pas le profit. Le profit est un intérêt secondaire et l'accès est un intérêt de troisième ordre». Cet axiome, l'Algérie l'a bien compris. De par sa position de 3e producteur de gaz, l'Algérie est en mesure de brandir l'arme énergétique comme arme géopolitique pour faire aboutir ses revendications et s'imposer comme partenaire incontournable. En mettant à profit le spectre de la sécurité énergétique, l'Algérie compte bien ne point ouvrir, dorénavant, ses vannes sans en tirer avantage devant une Union européenne apparaissant de plus en plus comme un colosse aux pieds d'argile face au géant russe, premier producteur mondial de gaz et deuxième producteur de pétrole. Aussi, l'émergence d'une entité aussi forte que l'Opep, soutenue par le président Bouteflika, est devenue nécessaire à l'heure où le marché du gaz est en pleine croissance et où il devient de plus en plus important pour couvrir les besoins énergétiques mondiaux. Par ailleurs, le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, qui prend part à ce forum, devra axer son intervention sur un meilleur contrôle des marchés du gaz. Ce qui donnerait aux pays exportateurs de gaz une influence politique accrue sur leurs clients. En outre, l'un des principaux objectifs du forum est de mieux contrôler le marché en forte croissance du gaz naturel liquéfié (GNL). Un secteur que l'Algérie ne cesse de développer. D'ailleurs, Sonatrach se prépare activement à devenir l'un des acteurs majeurs du GNL dans le monde en renforçant les capacités de sa filiale Hyproc, spécialisée dans le transport maritime du GNL. Aussi, le développement du GNL et du marché du «spot» pourraient, à terme, conduire à la création d'un cartel du gaz. Et quand on sait que la consommation mondiale de gaz devrait atteindre 476 milliards de mètres cubes d'ici à 2010, contre 246 milliards en 2005, il y a urgence à contrôler le marché pour en tirer les meilleurs dividendes. Et en présentant un front uni, les exportateurs de gaz pourraient atteindre un autre objectif: pouvoir résister aux pays consommateurs. D'ailleurs, Ileana Ros-Lehtinen, représentante américaine du comité des affaires étrangères de la Chambre des représentants, a exhorté, dans une lettre, la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, à «s'opposer fermement à l'organisation de ce racket à l'échelle mondiale». C'est dire toute l'importance géopolitique d'une Opep du gaz.