L'idée de la création d'une Opep du gaz met en émoi les pays européens. D'ailleurs, la question a suscité une vive polémique. Le principal cheval de bataille, un rapprochement entre pays producteurs de gaz créerait une situation de monopole qui serait néfaste pour les marchés gaziers. Les pays européens déploient des efforts incommensurables pour tenter de convaincre aussi bien les producteurs que les consommateurs de la véracité de leurs arguments. Cela au moment même où les grands groupes énergétiques du vieux continent sont à l'affût de la moindre alliance justifiant cette fièvre de fusions-acquisitions par le fait que ce soit le seul moyen de garantir leur pérennité et leur survie face à une concurrence de plus en plus rude. Si l'Europe met en avant ses dissensions avec "l'inquiétant" Poutine, lesquelles pourraient "mettre en péril leur approvisionnement énergétique", argument avancée au lendemain de la crise gazière russo-ukrainienne et plus récemment le différend ayant opposé Moscou à Minsk, la situation est plus complexe qu'elle n'y paraît. Aujourd'hui, il est avéré que le gaz est pour l'heure la seule alternative au pétrole. Il est donc dans l'intérêt des pays européens de garder une certaine marge de manœuvre avec les pays producteur. Cette marge de manœuvre ne peut exister que dans la division. Aussi, il est clair qu'actuellement une concertation entre pays producteurs ne peut être néfaste pour le marché gazier, bien au contraire. D'ailleurs, le tout nouveau directeur général du pétrolier français Total, Christophe de Margerie, a récemment déclaré au journal "The Times" qu'il soutenait une éventuelle coordination entre les fournisseurs de gaz. Il considère étrange le fait que les experts soient pessimistes alors que le cartel peut être positif et particulièrement en ce moment où les coûts du pétrole et du gaz flambent. Selon le PDG de Total, trouver des moyens pour partager des investissements financiers est une solution, et notamment en faveur du consommateur. En outre, M. de Margerie a également indiqué au journal britannique que l'Opeo avait, de manière globale, fait un excellent travail en gardant les prix sous contrôle. Il est vrai qu'aujourd'hui, l'idée de créer une organisation semblable à l'Opep dans sa structure et son fonctionnement pour le marché gazier est écartée. Le marché du gaz diffère sensiblement de celui du pétrole, car les contrats gaziers sont conclus à long terme, et le marché est très fragmenté. On ne peut transporter par mer que du gaz naturel liquéfié qui est plus cher (il représente aujourd'hui un quart des livraisons internationales), alors que les gazoducs mettent fournisseurs et consommateurs en état de dépendance réciproque, renchérit Valeri Nesterov, de la compagnie d'investissement Troika-Dialog. La structure même du marché ne permettra pas de créer un cartel, estime un responsable de Gazprom. Mais les producteurs de gaz peuvent néanmoins s'unir. Cela pourrait beaucoup apporter en termes d'échange d'expérience entre pays producteurs et aussi en termes d'investissements. Pour le Qatar, par exemple, un rapprochement avec l'Iran et la Russie pourrait ouvrir des débouchés sur le marché européen. En effet, pour le Qatar il est pour l'heure impossible que d'exporter autre chose que du GNL (ce qui nécessite des investissements conséquents) vu que géographiquement parlant il est impossible de mettre en place un gazoduc reliant ce pays du Golfe à l'Europe. Il est vrai que la création d'un cartel est difficile à concrétiser pour l'heure, mais le projet mérite réflexion. Le président Poutine estime que l'idée est très intéressante. L'émir du Qatar, cheikh Hamad Bin Khalifa Al-Thani, qui, jusqu'à récemment, rejetait l'idée d'un cartel gazier, se dit désormais prêt à négocier. Et l'Iran se dit prêt à soutenir le projet. Pour rappel, en 2005 la Russie, l'Iran et le Qatar, pris ensemble, contrôlaient 55,8% des réserves mondiales prouvées et 26,3% de la production mondiale de gaz naturel. La Russie fournissait 28,4% des exportations mondiales de gaz par gazoduc, et le Qatar 14,4% des exportations mondiales de gaz naturel liquéfié.