L'Algérianité de cet érudit exceptionnel est dans sa culture et ses écrits. Ainsi que cela a été déjà fait lorsque l'OPU a réédité Classes des Savants de l'Ifriqiya de Mohammed Ben Cheneb (lire L'Expression de mercredi 3 janvier 2007), remercions et encourageons vivement, Casbah éditions qui vient de publier Florilège, Mountakhabât fî at-ta'lîf wa at-tardjama wa at-tahqîq de Mohammed Ben Cheneb. Extrait de la revue Al-Mouqtataf (novembre 1929), un texte de Mohammed es-Sa‘îd ez-Zâhirî sert à la fois de présentation de l'auteur, qui venait de décéder à l'âge de 60 ans, et de préface au présent ouvrage qui réunit un choix -intéressant quoi que restreint- d'articles en arabe (67 p.) et en français (300 p.) parus à des époques différentes dans des revues spécialisées (Revue Africaine, Hesperis, Revue Indigène, Journal Asiatique,...) et une célèbre thèse complémentaire, en vue du doctorat ès lettres, ayant pour titre Mots Türks & Persans conservés dans le parler algérien. Cette thèse, comme tous les travaux de longue haleine de Mohammed Ben Cheneb, est toujours consultée par les chercheurs. L'oeuvre de Mohammed Ben Cheneb est vaste et pourrait constituer à elle seule une grande bibliothèque. Tout entière, de 1895 à 1929, elle concourt à enrichir la culture arabe et à faire connaître à l'Occident le patrimoine arabo-islamique. À cet effet, l'étonnant érudit qu'il fut dès sa première publication en 1895, révéla la qualité de son éducation, de sa formation, de sa curiosité insatiable pour apprendre plusieurs langues (l'arabe, le français, le latin, l'osmanli, le persan, l'anglais, l'espagnol, l'hébreu, le russe) afin de lire dans le texte original l'objet de ses recherches. Ses travaux de «fureteur infatigable» ont suscité un intérêt considérable dans plusieurs pays arabes (il est élu membre de l'Académie arabe de Damas, en 1920), d'Europe, d'Asie et d'Amérique. Dans l'ouvrage publié par Casbah éditions, on a l'avantage de retrouver et de lire ou de relire quelques traces parmi les belles recherches expressives de Mohammed Ben Cheneb: Poème en l'honneur du Prophète (traduction d'un original peut-être imité d'El-Bousayrî), Itinéraire de Tlemcen à la Mekke par Ben Messaïb (le grand chanteur populaire du xviiie siècle, un Tlemcénien issu d'une famille originaire d'Andalousie), Lettre sur l'éducation des enfants par Abou Hamed El-R'azzaly, La préface d'Ibn el-‘Abbâr à sa Takmila-t-essila, la Farisiya ou les débuts de la dynastie hafside par Ibn Qonfod de Constantine, Du nombre TROIS chez les Arabes, Mots Türks et Persans conservés dans le parler algérien (ce fameux lexique, et en tant que tel, aurait dû mériter à lui seul une publication à part et une attention plus grande quant au choix de la police de caractère et de sa présentation générale pour en faciliter la consultation par les chercheurs et les étudiants), La Guerre de Crimée et les Algériens par le cheikh Sidi Mohamed Ben Isma‘il d'Alger (une longue poésie populaire où il est question des héros musulmans repoussant les premières attaques des Russes sur les bords du Danube. Commencé en 1854, le conflit s'est terminé par la défaite de la Russie consacrée par le traité de Paris de 1856), La Vie civile musulmane en Algérie, Nadhra idjmâliya fî târîkh madinat el-Djazâir,...Un petit regret, toutefois: outre un meilleur aspect matériel, fort bien utile dans ce genre de publication, il a manqué à ce Florilège une justification éditoriale actualisée, enrichie de commentaires appropriés, -ce qui aurait mieux valu que la simple «présentation» toute prête produite en arabe et en français. Il a manqué de même une table des matières et un peu plus de soin dans l'organisation et la cohésion des textes choisis. Néanmoins, Casbah éditions a fait évidemment oeuvre pie en amorçant la diffusion d'une oeuvre prodigieusement nourrie du premier universitaire algérien, un authentique savant dont la puissance de travail et l'activité scientifique devraient inspirer la jeune génération d'étudiants de notre pays. Signalons à ceux qui s'intéressent à Mohammed Ben Cheneb et à son oeuvre, une toute première biographie en arabe, documentée, réfléchie et écrite par ech-Chaykh ‘Abd er-Rahmân Mohammed el-Djîlâlî, un des derniers érudits algériens anciens encore en vie; elle a pour titre: Mohammed Ben Abî Cheneb, sa vie et l'empreinte de ses écrits, ENAL, Alger, 1983. La chose est sûre, «Plus d'un parmi nous, affirmait le grand orientaliste français Georges Marçais qui prononçait son discours d'adieu sur la tombe de Mohammed Ben Cheneb, plus d'un parmi nous savent que l'on ne faisait jamais appel en vain à celui que nous aimions à nommer ´´notre chikh´´. Car à la science et à la conscience du vrai savant, il joignait le don plus rare de la bonté.» La Presse du 7 février 1929 titrait: «Un deuil à l'université d'Alger. La mort de M.Ben Cheneb. L'université d'Alger, l'Algérie et le monde savant viennent d'être éprouvés par la mort de M.le professeur Ben Cheneb de la faculté des lettres d'Alger.» FLORILÈGE/MOUNTAKHABÂT FÎ AT-TA'LÎF WA AT-TARDJAMA WA AT-TAHQÎQ de Mohammed Ben Cheneb Casbah Editions, Alger, 2007, 367 pages.