Usant de vocables acerbes et peu diplomatiques, à la limite même du belliqueux, certains titres de la presse marocaine se sont adonnés à un exercice de vindicte aigri. La presse marocaine a, sans surprise, saisi au vol l'affaire du retrait de la délégation du Maroc au Festival mondial de la jeunesse qui se tient à Alger. Ainsi, Le Matin du Sahara et du Maghreb, quotidien «privé» et proche du palais, a titré son article traitant de l'«affaire»: «Les jeunes victimes de l'agression hospitalisés dans les meilleures conditions»! Les non-initiés présumeront aisément qu'il s'agit là d'un compte-rendu sur un conflit armé ou quelque chose de ce genre. L'alarmisme du titre n'a d'égale que la violence du «style» et du choix d'un lexique hargneux à souhait. On lira que les jeunes membres de la délégation marocaine ont été «agressés» par des «mercenaires séparatistes». On a beau chercher dans la liste des délégations de jeunes des centaines de pays, qui sont ces «séparatistes» et ces «mercenaires». En fait, ce sont les membres de la délégation du Sahara occidental qui sont affublés du qualificatif de «mercenaires séparatistes». On déduira que pour l'auteur de l'article la lutte de tout un peuple pour recouvrer pleinement sa souveraineté est réduite à du mercenariat pur et dur. Et que la volonté de tout un peuple de décider de son propre sort sans protectorat ou paternalisme aucun est une simple et révocable veilleité de «séparatisme». Et afin de pousser l'incrimination des Sahraouis, l'article parle des «hautes instructions» du roi pour que les membres de la délégation marocaine, au nombre de 141, soient «hospitalisés dans les meilleures conditions». En versant dans une logique d'aggravation exagérée de la situation, ce journal entend enfoncer, par tous les moyens, la délégation sahraouie dans le carcan de «criminels» et d'«agresseurs». Mais la hargne du journaliste ne s'arrête pas là, il rebondit sur la vive dénonciation du gouvernement marocain de ces «actes d'agression» et la protestation de son gouvernement contre le fait que les autorités algériennes «n'aient pas réuni les conditions de sécurité nécessaires qui doivent être assurées à l'ensemble des participants». Voilà donc atteint un nouveau stade du mépris: le journaliste s'improvisant en donneur de leçon en termes d'organisation et de sécurité au gouvernement algérien. Ce que l'auteur de l'article semble omettre, c'est qu'aucune mesure de sécurité ne peut prévoir ou prévenir une action de provocation délibérément montée par la délégation marocaine comme ce fut le cas le jour de l'incident. Au passage, l'auteur de l'article ne se prive pas, non plus, de s'enorgueillir du «rapatriement» des membres de la délégation à bord d'un avion spécial de la Royal Air Maroc. Belle leçon de paranoïa journalistique conjuguée à une volonté de mal faire, de nuire. Belle leçon de confraternité maghrébine...