La tradition veut qu'un ministre «bien élu» soit conforté dans sa position, mais... Dans les grandes démocraties, la députation a de tout temps servi de baromètre aux prétendants aux postes de responsabilité. Ne peut donc aspirer à un poste de ministre toute personne qui n'a pas un fief électoral, n'a pas subi l'épreuve des urnes, n'a pas arraché de haute lutte le quitus de ses électeurs, n'a pas foulé le sol de sa circonscription, n'a pas sué. Sauf exception, un ministre ne vient jamais du néant car il doit impérativement représenter une partie de la population. Il doit bénéficier donc d'une forme de plébiscite. Une vingtaine de ministres en exercice se sont présentés aux législatives de jeudi prochain. En allant à la rencontre des électeurs, ces ministres ont entendu des choses déplaisantes quand ils ne sont pas carrément boycottés par les électeurs. Mais ils ont stoïquement résisté parce qu'il ne servirait à rien de s'emporter, d'autant plus que la campagne touche à sa fin et que leur poste reste chaud. Alors, qu'ils disent ce qu'ils veulent ces bougres qui ne respectent plus personne! Il est désormais admis que le remaniement de gouvernement souhaité par Belkhadem se concrétise juste après les législatives, que d'autres noms plébiscités les rejoignent et que d'autres partent s'ils sont mal élus; c'est-à-dire s'ils n'ont pas récolté les voix suffisantes leur permettant de justifier leur présence parmi l'équipe dirigeante, aux yeux du président de la République puis vis-à-vis de l'opinion publique. En alignant tous ses ministres dans la course à la députation, Belkhadem semble avoir l'intention de les garder en poste. C'est une évidence. Il veut aussi avoir une idée sur leur degré de crédibilité. Il veut surtout prendre plus de sièges en misant sur leur «charisme». Pourtant, l'arithmétique prouve qu'il ne gagne aucun siège supplémentaire. Mais il semble ne pas avoir évalué l'autre variante, celle qui suppose qu'un ministre inspire plus de répulsion que d'attraction. La campagne a, en tout cas, dévoilé cet aspect. Lorsque les citoyens refusent d'aller au meeting animé par un ministre ou vont pour le simple plaisir de le harceler, on ne trouve pas d'autre explication. La règle s'applique également aux autres partis de l'Alliance qui ont aligné des ministres. L'apparition quotidienne à la télévision ne domestique en rien l'opinion publique. Il se peut que le visage qui s'affiche constamment à l'écran ne recueille pas bonne audience. C'est en effet, une arme à double tranchant. Quelle sera la couleur du prochain gouvernement? La question mérite d'être posée. Et la réponse n'est pas toutefois difficile. Il aura une surface majoritairement FLN avec des touches bleues ou vertes des deux autres partis de l'Alliance, si les pronostics admis ne sont pas démentis par un vote-sanction majeur; variante totalement exclue quand on sait que l'administration veille au grain. Mais, à supposer que les indépendants obtiennent la majorité au Parlement, auront-ils le droit de siéger au gouvernement? Evidemment, non. Parce qu'on n'est pas en Grande-Bretagne. Dans ce cas de figure, aussi infime soit la probabilité, les conséquences seront terribles sur l'échiquier politique dans son ensemble. Ce sera pire que 1991. On irait droit vers des législatives anticipées avec les conséquences néfastes au sein des partis de l'Alliance qui se croient à l'abri des secousses telluriques. Mais on n'est pas encore dans le scénario catastrophe. La real politique veut que le FLN remporte la majorité, suivi par le RND talonné par le MSP. Ainsi, tout le monde sera content. Les mêmes hommes seront reconduits. La même politique sera poursuivie. Lorsqu'on revoit le fil du dernier renouvellement du Sénat, on déduit que le système politique algérien est immunisé contre les surprises que peuvent drainer des élections correctes.