Les dirigeants marocains semblent avoir perdu, cette dernière semaine, le sens des choses et de la mesure, de même que le savoir raison garder en s'attaquant tous azimuts à l'Algérie dans ce qu'ils persistent à présenter comme un problème interne : le contentieux du Sahara occidental. Une fois encore, une de trop sans doute, le chef de la diplomatie marocaine et son jeune souverain sont montés directement au créneau en s'en prenant à un pays qui n'a jamais caché l'intérêt qu'il portait à une solution juste du conflit sahraoui par l'organisation, incontournable, d'un référendum d'autodétermination pour le peuple sahraoui comme prescrit par le plan de paix de l'ONU de 1991 et les accords de Houston, entre le Maroc et le Polisario, de 1997. Aujourd'hui les responsables marocains abandonnant toute prudence montent à l'assaut de l'Algérie coupable, à leurs yeux, d'empêcher Rabat de faire main basse sur un territoire dont la population a, à l'instar des peuples colonisés, le droit de se prononcer sur sa destinée conformément aux textes (résolution 1514 XV) de l'ONU sur les peuples coloniaux. Ainsi, dans une harangue d'une rare virulence, le ministre marocain des Affaires étrangères, Mohamed Benaïssa, qui semble ne pas connaître les tenants et aboutissants du dossier sahraoui, affirme que tout est négociable «sauf la souveraineté (marocaine) sur le Sahara occidental». Le chef de la diplomatie marocaine ajoute: «(...) si solution il y a, et ce dans le cadre de la souveraineté marocaine, ce sera avec l'Algérie, et pas une autre partie (entendez le Polisario), car il s'agit d'un conflit géopolitique à la base.» M.Benaïssa ne semble pas avoir compris que le contentieux sahraoui est d'abord un problème de décolonisation, opposant l'occupant marocain au peuple sahraoui représenté par le Front Polisario, et que l'enjeu du référendum est de démontrer pertinemment, si oui ou non, le Maroc dispose d'une souveraineté sur le territoire contesté. Cette souveraineté marocaine, qui reste donc encore à prouver, est l'objet essentiel de l'organisation du référendum d'autodétermination du peuple sahraoui appelé à se prononcer soit sur son indépendance, soit sur son intégration au Maroc. Auquel cas effectivement, la souveraineté marocaine serait ainsi confirmée. Tant que ce référendum n'a pas eu lieu, au plan juridique et au regard du droit international, le Maroc n'a aucun pouvoir ou souveraineté sur le territoire en litige. Ce que relève incontestablement le représentant... du royaume chérifien auprès des Nations unies, Mohamed Bennouna, ancien juge au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, lorsqu'il écrit, dans son cours à l'Académie de droit international de La Haye, traitant de l'assise territoriale des droits de souveraineté: «La question de la compétence territoriale ne se résout plus (...) par la preuve de la présence effective d'un gouvernement sur l'espace en question ; il faut encore que cette présence soit conforme à la légalité internationale, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.» Ainsi l'ambassadeur marocain, en homme de droit, enfonce le clou et prend en défaut les assertions et affabulations de son ministre, notamment de son roi qui «réaffirme (...) l'intégrité territoriale et (la) souveraineté sur ces provinces du sud (...).» Outre donc la confusion que le Maroc entretient à dessein sur sa prétendue «souveraineté» sur le Sahara occidental, il y a le fait que Benaïssa, de même que Mohamed VI, du moins de ce qui ressort de ses déclarations à El-Ayyoun, placent à tort le conflit entre leur pays et l'Algérie, alors que les instances internationales ont déjà tranché le sujet en désignant les parties belligérantes, le royaume chérifien et le Front Polisario. Ensuite, à ce que l'on sache, le Maroc est bel bien partie prenante avec le Front Polisario avec lequel il est engagé dans le plan de paix de l'ONU de 1991 et les accords de Houston de 1997. L'Algérie, partie intéressée au dossier, mais non concernée par le conflit, était dans son droit de veiller à l'observance des principes régissant le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Ce que les autorités algériennes ont réitéré en toute occasion affirmant qu'elles respecteraient le choix, quel qu'il soit, librement exprimé du peuple sahraoui. Le Maroc doit bien savoir que la souveraineté a ses règles et qu'en tant que juriste, le roi Mohamed VI doit bien admettre, avec son ambassadeur auprès de l'ONU, qu'il n'y avait pas d'alternative au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.