Pour les Etats-Unis, il s'agit de faire pièce à tout activisme hostile qui se développe le long de la bande du Sahel. A la seule lecture du «Rapport 2006 sur le terrorisme dans le monde», publié récemment par le département d'Etat américain, en date du 30 avril 2007, il y a sérieusement à craindre du côté d'Al Qaîda au Maghreb qui se serait doté de solides refuges et appuis dans les pays du Sahel. Principal groupe pointé du doigt: le Groupe salafiste pour la prédication et le combat qui a rallié Al Qaîda, le 11 septembre 2006, pour prendre le nom d'Al-Qaîda pour le Maghreb islamique (Aqmi). Selon le rapport, il a continué d'être actif au Sahel, franchissant les frontières difficiles à surveiller entre le Mali, la Mauritanie, le Niger, l'Algérie et le Tchad pour recruter des djihadistes pour les entraîner et les lancer dans des opérations aussi bien dans le Trans-Sahara qu'à l'extérieur. Le même rapport -dont Tamoust en publie de larges extraits- souligne que l'Afrique n'a connu que peu d'actes importants de terrorisme d'ordre international, mais que la guerre civile et la violence d'origine ethnique se sont poursuivies dans un certain nombre de pays. Les groupements terroristes affiliés à Al Qaîda ont été présents et actifs en Afrique du Nord-Ouest, où ils ont lancé des attaques de faible ampleur contre les pouvoirs publics et les intérêts des Etats-Unis, collecté des fonds, appelé des recrues et mené d'autres activités de soutien dans le Trans-Sahara. Le rapport souligne aussi qu'un nombre restreint d'agents du réseau Al Qaîda en Afrique de l'Est, en particulier en Somalie, ont continué de faire peser la menace la plus grave sur les intérêts des Etats-Unis et de leurs alliés dans cette partie du monde. Et malgré la perturbation d'éléments à la fin de l'année, Al Qaîda a continué d'être actif en Somalie et ailleurs en Afrique de l'Est. La Somalie, poursuit le rapport, reste une cause de préoccupation, car les frontières non surveillées du pays et la persistance de son instabilité politique permettent aux terroristes de transiter ou de s'organiser. Et il est probable qu'Al Qaîda continue de faire cause commune avec les extrémistes somaliens pour tenter d'entraver les efforts de paix de la communauté internationale. Le rapport conclut en notant que la nouvelle alliance du Groupe salafiste avec Al Qaîda lui a donné accès à plus de ressources et à un entraînement accru. Le rapport ajoute aussi que le Hezbollah a continué de collecter des fonds en Afrique, en particulier en Afrique de l'Ouest, mais qu'il n'a pas commis d'attentats terroristes, et que de nombreux Etats africains ont accru leur coopération et redoublé leurs efforts dans le cadre de la guerre contre le terrorisme. Les énoncés du rapport - qui restent toujours sinon à confirmer, du moins à renforcer - sont soutenus par les récentes déclarations du secrétaire d'Etat adjoint américain, John Negroponte, dans une interview publiée vendredi par le Financial Times. «Le groupe terroriste Al Qaîda pourrait étendre son champ d'action à la région du Sahel, au sud du désert du Sahara», a averti Negroponte. Selon lui, la menace terroriste pourrait également se développer en cas de retrait trop rapide des troupes américaines d'Irak. Il a enfin insisté sur les inquiétudes américaines face au soutien logistique apporté par l'Iran aux talibans qui combattent les forces de l'Otan en Afghanistan. Les gourous du sécuritaire pourront dire que ces avertissements doivent être pris avec le maximum de sérieux, et rapidement, afin de lancer des plans d'action de lutte contre le terrorisme. Mais les partisans de la théorie du complot pourraient affirmer que les Etats-Unis sont en train de créer des zones de tension et de voir des «fantômes» là où il n'y en a pas afin de conforter leur présence dans la région et de préparer le Maghreb à devenir un autre Machrek, au plan des intérêts, après que celui-ci soit devenu quasi invivable avec les tensions qui secouent une région qu'ils arrivent très, très difficilement à maîtriser.