Révélation politique de la campagne, puisqu'elle fut porte-parole du candidat Sarkozy, cette «beurette», juriste de formation, est appréciée et surtout respectée même par ses adversaires politiques. Ils s'appellent Saïfi, Begag, Dermouche...et Rachida Dati. Ils ont eu la chance d'occuper des hautes fonctions de responsabilité, dans un pays où le mérite prime tout, même si certains réflexes xénophobes continuent de sévir. La nomination de Rachida Dati au département de la justice, ne peut être conçue que comme une réhabilitation de l'élite immigrée. D'autant plus que ce n'est pas une sinécure que de prendre en charge un secteur aussi sensible que celui de la justice. Cependant, la carrière jalonnée de réussites de Rachida Dati la prédestine à assumer les responsabilités les plus difficiles. La dernière «promue» a même contribué à porter un candidat d'origine immigrée -comme elle- à la magistrature suprême française. On l'appellerait même la «Condoleezza Rice» de Sarkozy. Au moins pour deux raisons. Primo, Rachida Dati incarne une nouvelle génération de politiciens. Secundo, elle est issue de l'immigration. Née le 27 novembre 1965 à Saint-Rémy, elle est la fille d'un maçon marocain et d'une mère d'origine algérienne. Deuxième d'une fratrie de douze enfants, elle passe son enfance dans une cité de Chalon-sur-Saône. Sa scolarité se déroule dans une école catholique. Maîtrisant à perfection la langue de Voltaire, elle peut tenir tête à n'importe quel homme politique. En fait, c'est une femme qui a une volonté à toute épreuve. Que de «miracles» C'est ce qui lui a, d'ailleurs, permis de gravir les échelons en un temps très court. «Je préfère faire les miracles que de les attendre», disait-elle dans l'une de ses déclarations, lors de la campagne électorale comptant pour la présidentielle française. Ce bout de femme qui a fait une percée fulgurante dans le paysage politique français est sortie du néant. Révélation politique de la campagne, puisqu'elle fut porte-parole du candidat Sarkozy, cette «beurette», juriste de formation, est appréciée et surtout respectée même par ses adversaires politiques. l'oeil noir et vif, elle a un culot d'enfer. Elle est allée jusqu'à gagner le pari de décrocher le poste de ministre de la Justice, garde des Sceaux. Un poste qu'un autre sarkozyste, de longue date, en l'occurrence l'avocat Patrick Devedjian, convoitait depuis toujours. Courageuse, tenace et surtout persévérante dans l'effort, qu'elle doit sa carrière, elle ne lâche pas prise. Elle commença, justement sa carrière professionnelle chez Elf Aquitaine. Un poste que lui dégota, en 1989, l'ancien ministre français de la Justice, Albin Chalendon, qu'elle avait rencontré à l'ambassade d'Algérie à Paris, lors d'une réception. Pourtant, elle n'imaginera pas un seul instant qu'elle allait occuper, 18 ans plus tard, le bureau place Vendôme de son «recruteur». A quatorze ans, elle fait du porte-à-porte pour vendre des produits cosmétiques et travaille dans une grande surface. Elle sera, ensuite, à l'âge de seize ans, aide-soignante jusqu'à l'âge de dix-huit ans. Après une rencontre avec Jean-Luc Lagardère, elle entre à la direction de l'audit de Matra Communication, puis passe un an à Londres, au sein de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, toujours dans l'audit. Rachida Dati sera cooptée par les réseaux patronaux, qui cherchent à faire grandir des talents chez les Français d'origine immigrée. Jacques Attali, Henri Lachman, Henri Proglio, ou encore Jean-Luc Lagardère, ont été impressionnés et n'ont pas manqué d'encourager Dati à aller plus loin. En 1994, elle est contrôleur de gestion et secrétaire générale du bureau d'études sur le développement urbain à la Lyonnaise des eaux, et conseillère technique à la direction juridique du ministère de l'Education nationale. Elle entre à l'Ecole nationale de la magistrature sans passer le concours d'entrée, mais admise sur titre, elle étudie de 1997 à 1999. Elle devient auditeur de justice au tribunal de grande instance de Bobigny puis en poste comme juge-commissaire aux procédures collectives au tribunal de grande instance de Péronne et enfin, comme substitut du procureur au tribunal d'Evry. En 2002, elle devient conseillère de Nicolas Sarkozy, pour qui elle travaille sur le projet de loi sur la «prévention de la délinquance». En décembre 2006, elle s'inscrit à l'UMP. Elle sera nommée, le 14 janvier 2007, porte-parole de Nicolas Sarkozy, désigné le même jour candidat du parti UMP pour l'élection présidentielle française de 2007. A l'épreuve de la réalité Une ascension fulgurante, qui dénote la capacité de cette jeune femme de s'adapter et surtout de convaincre. «Je suis le symbole de la France», lance- t-elle à son arrivée place Vendôme. Après l'échec de Tokia Saïfi et Azzouz Begag, Rachida Dati va-t-elle relever le défi? Surtout qu'elle va s'atteler à nombre de réformes, dont celle de la carte judiciaire, face à une profession qui ne porte pas Nicolas Sarkozy dans son coeur. Un poste de responsabilité auquel bien peu d'Arabes ont accès. Le fâcheux épisode des banlieues, qui ne manquera pas de déteindre sur le mandat de Nicolas Sarkozy, va sans doute être l'un des aspects que Rachida Dati aura à prendre en ligne de compte dans les activités de son département. D'ailleurs, sitôt nommée, la nouvelle ministre de la Justice a effectué une visite-surprise au centre des jeunes détenus de la prison de Fleury-Mérogis. Le garde des Sceaux a effectué une visite surprise afin d'y rencontrer et de se rendre compte de l'activité des agents de l'administration pénitentiaire et des conditions de détention des mineurs. Décidée à faire oublier le laxisme de ces dernières années (voilà qui va faire plaisir à ses prédécesseurs), Rachida Dati a déclaré: «Nous serons intraitables sur la délinquance des mineurs». A l'abri des considérations de race, de sexe et de religion, Rachida se moque des clichés. C'est ce qui lui a, d'ailleurs, valu respect et considération auprès des Français. A la dernière information, elle fait partie des trois ministres du gouvernement Fillon, préférés des Français. En effet, selon un sondage réalisé par Opinion Way pour Le Journal du dimanche, elle occupe la troisième place après Jean-Louis Borloo et Bernard Kouchner. Un sondage, qui plus est, a été réalisé auprès d'un échantillon national représentatif de 981 personnes âgées de 18 ans et plus. De nombreux candidats d'origine algérienne se lancent dans la bataille des législatives françaises. on retiendra, notamment Azzouz Begag, ex-ministre délégué à la Promotion de la diversité et de l'Egalité des chances, Mouloud Aounit, président du Mouvement pour l'amitié entre les peuples et contre le racisme (Mrap), l'ancien champion olympique de judo 1996, Djamel Bouras, l'homme d'affaires, Rachid Nekkaz, le socialiste, Malek Boutih...et Slimane Azzoug, président du club 92 des hommes d'affaires d'origine algérienne. Un rush à la candidature, qui renseigne sur la volonté de la diaspora immigrée d'investir toutes les parcelles du pouvoir en Hexagone.