Le président de la Commission nationale politique de surveillance des élections législatives a essuyé des critiques sans avoir l'opportunité de se défendre. L'émission Fi Essamim diffusée, mardi dernier à 21 heures, par la Télévision nationale, a pris les allures d'une «soirée électorale», tant les intervenants s'échinaient, chacun, à défendre avec ténacité ses positions et son programme. Il est vrai que les locales sont dans trois mois. L'Entv a voulu réunir les grands vainqueurs du dernier scrutin. Le RND, le FLN et le PT ont répondu à l'invitation. Le RCD a boycotté le plateau pour des raisons de «lignes politiques». Quant à M.Boudjerra Soltani du Mouvement de la société pour la paix MSP, il n'a pas jugé nécessaire d'interrompre sa visite qu'il effectue depuis trois jours dans les différentes wilayas du pays pour «saluer les efforts fournis par ses militants». «Le MSP n'a pas peur des débats contradictoires. Mais il se trouve que l'Entv a exigé la présence du chef du parti, qui, malheureusement, se trouvait mardi à Guelma», précise à L'Expression M.Farouk, chargé de la communication au sein du parti. Mais le plus grand absent à cette émission a été certainement le débat d'idées et surtout les contradicteurs. En effet, en sus du fait que la presse privée n'a pas été conviée, le président de la Commission nationale politique de surveillance des élections législatives a essuyé des critiques sans avoir l'opportunité de se défendre. Tirs groupés Le Parti des travailleurs a pris la défense du FLN en lançant de sévères critiques à l'égard de M.Saïd Bouchaïr, le président de la Commission nationale politique de surveillance des législatives. «Il est quand même étonnant de constater que la lettre adressée par cette Commission pointe du doigt exclusivement le FLN», a-t-elle affirmé. «Nous nous sommes opposés à la sortie de Bouchaïr, car nous avons senti une odeur de manipulation», réitère-t-elle. Hanoune estime que cette lettre «montée» par le MSP, le RCD et En Nahda, s'est basée sur des informations «erronées». Belkhadem s'est interrogé sur les raisons de l'acharnement contre son parti. En révélant qu'il a expliqué en tant que chef du gouvernement, à M.Bouchaïr, deux heures après la publication de la lettre, «les prérogatives de sa commission». M.Belkhadem a estimé, en outre, qu à travers cette correspondance, Bouchaïr a laissé l'impression que la «fraude était massive, ce qui est faux». Le FLN se défend et estime que «les quelques dépassements enregistrés ont été vite rattrapés». La position du Conseil constitutionnel qui a décidé «d'ignorer la lettre de Bouchaïr», conforte les positions du FLN. Seul Ouyahia a pris, en des termes à peine voilés, la défense de Bouchaïr. Ce qui s'est passé, le jour du scrutin, ne saurait en aucun cas entacher la légitimité des élections, selon lui. Affirmant qu'«on a donné plus d'ampleur qu'il n'en faut à cette question et cela pourrait porter préjudice à l'image du pays à l'étranger». Cependant, M.Ouyahia fait savoir que les institutions de l'Etat auraient dû être les premières à être saisies par M.Bouchaïr. Le secrétaire général du RND conclut, par avance, que la polémique a été nourrie par «l'effet de la surprise», sachant que c'est la première fois que ladite commission s'adresse ouvertement au président. N'empêche que les agents qui ont fait dans l'excès de zèle «doivent être sanctionnés.» Quelle configuration pour le prochain gouvernement? L'Alliance sera-t-elle élargie? Si Hanoune est catégorique, réitérant son refus de siéger dans le prochain gouvernement pour des raisons idéologiques, Belkhadem, lui, ne voit pas l'utilité de l'élargissement, estimant que les trois partis de l'Alliance ont préservé la majorité; quant à Ouyahia, il pense que l'élargissement de l'Alliance «se discute». Le taux d'abstention n'est pas une sanction contre les partis Le fort taux d'abstention a pris, bien évidemment, une très large place dans le débat. Chacun a donné sa propre lecture de ce phénomène politique. Celle de M.Abdelaziz Belkhadem, loin d'être la plus convaincante aux yeux des observateurs, était néanmoins la plus tranchante. «Il ne ressort aucun message politique dans l'acte d'abstention», affirme-t-il, ce qui prend les allures d'une réponse à son ministre de l'Intérieur, M.Yazid Zerhouni, qui a évoqué, le 18 mai, la responsabilité des partis dans la grande démobilisation des électeurs le jour du vote. Les causes sont à chercher ailleurs, selon ses dires, préférant mettre en exergue «la responsabilité individuelle» des élus de la 5e législature, dont les actions sur le terrain «étaient maigres». Belkhadem pense aussi que les citoyens ne maîtrisent pas leur rôle de parlementaire et le confondent avec celui de l'élu local, voire du gouvernement. Une confusion, paradoxalement, soigneusement entretenue par les partis politiques durant la campagne pour les législatives, en lançant des promesses dont l'application est du seul ressort du gouvernement. La porte-parole du PT, Mme Louisa Hanoune, quant à elle, soutient la thèse de «la sanction» mais précise que celle-ci avait comme cible, le gouvernement. «Le taux d'abstention est un message très fort contre la politique de privatisation des entreprises, contre le retard affiché dans le paiement des arriérés de salaires», a-t-elle insisté. Autrement dit, ce sont les choix économiques du gouvernement qui sont à remettre en cause. Ce dernier a encore la chance de se rattraper, avant les élections locales, en créant «une véritable rupture avec ses orientations». Le PT privilégie donc une lecture socio-économique au phénomène de l'abstention, nonobstant, à un degré moindre, «l'erreur d'inattention» des trois partis de l'Alliance, qui avaient donné l'impression à la population, avant le début de la campagne, que «les quotas sont distribués en annonçant chacun de son côté le taux de sièges qu'ils allaient décrocher». Elle est interrompue par Belkhadem qui lui fait savoir que dans les grandes démocraties, ces annonces sont récurrentes. Hanoune l'invite à prendre en considération «le contexte socio-politique» du pays. En somme pour le PT, l'absentéisme du 17 mai est «grave» et doit être analysé sérieusement. Une opinion partagée par le secrétaire général du RND, qui s'aligne, en partie aussi, sur la lecture faite par M.Yazid Zerhouni, particulièrement au chapitre de «la faillite» de la classe politique. Mais mardi, Ouyahia a donné «l'immunité politique» aux partis de l'Alliance, en s'attaquant à ceux dont les discours sèment l'anarchie et la confusion. Allusion «faite aux formations qui relatent, jour et nuit, l'embellie financière du pays donnant de fausses illusions au peuple qui croit que le gouvernement est avare à son égard». Ouyahia renvoie cette santé financière à la flambée du prix du pétrole, avant de lancer des critiques voilées au gouvernement de Belkhadem, lequel, à son avis, «n'a pas su mettre en place des mécanismes à même d'accompagner les importants chantiers lancés par le président.» L'investissement, la politique de l'emploi, la grille des salaires, autant de dossiers sur lesquels le gouvernement est appelé à réviser sa feuille de route. Au moment même où l'on s'attendait à une réaction ferme de M.Belkhadem, ce dernier a préféré ignorer ces critiques, en se contentant simplement de défendre d'une manière très vague son bilan: «Beaucoup de choses sont réalisées. Les réformes demandent deux décennies pour faire ressentir leurs effets sur le terrain.» Dans une autre tentative de provoquer ses alliés, Ouyahia rebondit en mettant en garde contre «les discours démagogiques qui voilent la réalité économique du pays et qui alimentent la violence et l'extrémisme». Peine perdue pour le SG du RND, sa déclaration ne suscite aucun commentaire de la part de Belkhadem qui verrouille ainsi le débat. Les trois partis, néanmoins, sont d'accord sur l'urgence de réviser la loi électorale qui a prouvé ses limites, avant les locales prévues pour le 6 septembre. La proportionnelle a servi à émietter l'échiquier national et avec lui les instances élues. Cela s'est traduit par l'émergence de «petits partis» sans représentativité et des listes indépendantes qui obéissent à la logique de l'argent. Ouyahia va loin en défendant que la proportionnelle devra être aussi bien aux locales qu'aux futures législatives. Belkhadem est tout à fait d'accord sur ce point, estimant que l'APC doit être gérée exclusivement par le parti majoritaire pour éviter le blocage des programmes locaux. Le PT lui, préfère la proportionnelle intégrale.