La France a convoqué, à Paris, une conférence «internationale» sur le Darfour. Une conférence internationale sur le «Darfour» s'est ouverte, hier, dans la capitale française en présence, notamment de la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice et en l'absence du principal intéressé, le Soudan. Ouvrant la rencontre, le président français, Nicolas Sarkozy, a affirmé que «le Soudan doit savoir que s'il coopère, nous l'aiderons puissamment et que s'il refuse il faudra être ferme». Coopère ou tu meurs! Est-ce cela le nouveau langage diplomatique pour ceux qui ne se montrent pas suffisamment dociles envers les «maîtres»? Or, cette levée de boucliers de l'Occident dans l'affaire du Darfour est rien moins qu'innocente. Certes, un drame humain tel celui de la province du Soudan ne peut laisser indifférent. Ce qui s'y passe est condamnable sans conteste, et les responsables de cette tragédie doivent, il ne fait aucun doute, payer, à quelque niveau qu'ils se trouvent. Toutefois, le Darfour n'est que l'un des aspects, -certes bien sombres- des dysfonctionnements qui touchent de nombreuses régions dans le monde qui appellent un traitement ferme, mais qui ne doivent, pas, pour autant, occulter d'autres priorités qui interpellent la conscience du monde, parmi lesquelles figure, au premier plan, le contentieux israélo-palestinien. Se battre pour le Darfour, oui! Se battre pour le Darfour, la Palestine, le Sahara occidental et partout où l'être humain est blessé et opprimé, c'est encore mieux! L'Occident qui, seul, a les moyens de décider de l'importance à accorder à de telles affaires politico-humanitaires, a toujours minimisé le problème israélo-palestinien -présent sur les tablettes de la «communauté internationale» depuis 60 ans, sans qu'aucune solution n'apparaisse jusqu'à aujourd'hui- et ferme aussi l'oeil sur les dépassements du Maroc au Sahara occidental, notamment, ne peut nous convaincre -alors que les êtres humains sont égaux devant la mort- que le martyre des populations du Darfour présente plus de gravité que les martyres des Palestiniens ou des Sahraouis. Bien sûr qu'il faut sauver le Darfour, quand, dans ce cas précis, il n'est même pas question de se référer au traditionnel «deux poids, deux mesures», mais de relever qu'il s'agit là d'un choix délibéré des grandes puissances, de mettre au pas tout pays qui pense pouvoir agir «souverainement» à l'intérieur de ses frontières en dehors des règles qu'imposent ces «grands» qui dominent le monde. S'émouvoir du sort de la population du Darfour et rester insensible à celui des Palestiniens -qui vivent depuis quarante ans sous le joug de la terreur israélienne dans une immense prison à ciel ouvert en Cisjordanie et à Ghaza au vu et au sus de ces «grands»- est-ce cela la nouvelle «philanthropie» à la carte de la «communauté internationale» agissante? Or, cette agitation et cette sollicitude autour du Darfour, cet intérêt sélectif pour un problème donné, sont bien suspects si l'on excipe des propositions mises en avant par des «groupes de pression» internationaux, pour amener le Soudan à «coopérer» comme l'y invite, hier, le président français Nicolas Sarkozy, hôte de la conférence de Paris. En marge de cette conférence sur le Darfour, convoquée par la France, des responsables de missions de l'ONU ont émis, hier, le voeu de «placer les revenus du pétrole» du Soudan dans un «fonds international» afin d'empêcher le régime de Khartoum de «financer tueries, bombardements et nettoyage ethnique» au Darfour. Tiens! Cela n'est certes pas nouveau et nous rappelle un certain programme onusien dit «Pétrole contre nourriture» appliqué à Baghdad de l'ancien président Saddam Hussein, lors duquel les grandes puissances, à leur tête les Etats-Unis, avaient placé l'Irak sous embargo et son pétrole géré par les Nations unies. Ce qui était, sans doute, une exception dans le cas irakien - aux fins d'aider la population (faut-il revenir sur les retombées et scandales qu'a suscités cette pratique?) -risque de prendre au Darfour d'autres dimensions si une telle initiative se concrétise sur le terrain. Cela mettra en porte-à-faux et le droit international, tel qu'il est appliqué présentement, et les rapports entre les Nations. Ce qui est très grave, car une minorité de pays- qui disposent certes de la puissance économique, financière, militaire et diplomatique -s'arroge, désormais, le droit de régenter le monde, de lui imposer son hégémonie. C'est là un dangereux engrenage dans lequel les puissants veulent engager la planète où le droit des plus forts tiendra lieu de tutelle au reste des pays du monde. Venant après l'échec de l'expérience irakienne («Pétrole contre nourriture»), les grandes puissances veulent faire du Darfour, le laboratoire de leur future hégémonie sur le monde. C'est l'idée «d'ingérence humanitaire» -lancée au lendemain de la plus grande supercherie de tous les temps sur les événements en Roumanie (en 1989)- qui fait, ainsi, son chemin, devenant, de fait, la vraie menace pour la démocratie et les libertés dans le monde!