Des observateurs critiques avaient déjà lancé la célèbre formule «si Dieu et le Gspc n'existaient pas, Bruguière les aurait inventés». La formule est aussi applicable à Garzon. Annoncées tambour-battant, les arrestations de membres d'une cellule du Gspc en Italie et à Londres n'auront été qu'une alerte de plus. Après avoir déclaré avoir arrêté 12 membres d'une cellule opérationnelle du Gspc, la police italienne est revenue jeudi dernier sur l'annonce d'une dizaine d'arrestations d'islamistes accusés de soutien à une cellule terroriste du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (Gspc), indiquant qu'une seule personne a été effectivement arrêtée à Londres. Cette arrestation, visant un homme de 46 ans, Habib Ignaoua, qui faisait l'objet d'un mandat d'arrêt européen, a été confirmée jeudi par Scotland Yard. La police britannique a fait savoir que cet individu avait été interpellé à son domicile du nord de Londres en vertu d'un mandat d'arrêt émis par l'Italie. Scotland Yard n'a pas révélé sa nationalité mais a dit qu'il était recherché pour plusieurs faits de terrorisme et de falsification de documents et que, selon le mandat d'arrêt italien, «entre 1997 et 1999, il a convaincu des volontaires de suivre une formation militaire en Afghanistan, pour le djihad (guerre sainte), et s'est chargé de l'organisation en utilisant de faux documents». Concernant la dizaine d'arrestations annoncées jeudi matin, un porte-parole de la police de Milan a précisé que «trois mandats d'arrêt ont été exécutés en Italie à l'encontre de personnes déjà incarcérées, alors que six mandats d'arrêt concernent des personnes introuvables, qui pourraient déjà être mortes dans des attentats terroristes». Un précédent communiqué des forces de l'ordre faisait état de «neuf mandats d'arrêt exécutés contre autant de citoyens tunisiens», qui «ont permis de démanteler une cellule italienne du Groupe salafiste pour la prédication et le combat» (Gspc), ralliée depuis septembre 2006 à Al Qaîda. En fait, Habib Ignaoua, l'homme arrêté à Londres, est soupçonné d'avoir aidé à fournir des faux documents à des volontaires qui ont participé à des camps d'entraînement du terrorisme en Afghanistan. Pour les amateurs des arrestations spectaculaires et en série, c'est une autre déconvenue...Cela rappelle aussi les cellules opérationnelles du Gspc démantelées «en grande pompe» par la police espagnole en février 2007, et dont on avait dit qu'elles planifiaient des attentats en Algérie et au Maroc. «La structure terroriste à laquelle appartiendrait le Marocain M'bark El-Jaâfari aurait effectué, depuis mai, des démarches pour envoyer trente-deux kamikazes en Irak afin d'y commettre des attentats suicide et pour planifier des opérations à l'intérieur du Maroc et sur le sol algérien.» C'est la conclusion à laquelle sont arrivés les responsables de la police espagnole, au lendemain de l'arrestation du Marocain, «soupçonné de liens avec Al Qaîda» et visé par un mandat d'arrêt international délivré par le Maroc, et arrêté lundi à Reus (nord-est de l'Espagne). «El-Jaâfari est soupçonné d'appartenir à une structure terroriste au service d'Al Qaîda et du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (Gspc algérien), dédiée au recrutement de volontaires pour le jihad au Maroc, en Irak et en Algérie», a annoncé le ministère espagnol de l'Intérieur dans un communiqué. Pour la formation de ses volontaires, cette structure «utilisait des camps d'entraînement dépendant du Gspc algérien». La police espagnole affirme aussi que le Gspc se trouve actuellement à la tête d'une structure qui regroupe toutes les organisations terroristes du nord de l'Afrique appartenant au réseau Al Qaîda sous le nom «Al Qaîda du Maghreb». En Espagne, en Italie, mais aussi en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne, l'épouvantail Al Qaida grise les responsables de la sécurité intérieure en Europe, qui trouvent soudainement un ennemi «de taille» pour renforcer leurs propres pouvoirs et leur renommée. Des Baltazar Garzon et des Jean-louis Bruguière, qui sont devenus des juges d'exception et des «qaîdologues» éprouvés, prolifèrent un peu partout dans l'UE, et sont consultés par la CIA et le FBI, ce qui représente pour eux un couronnement exceptionnel de leur carrière, terne jusque-là. Des observateurs critiques avaient déjà lancé la célèbre formule «si Dieu et le Gspc n'existaient pas, Bruguière les aurait inventés.» La formule est aussi applicable à Garzon. Face au mythe Al Qaîda, il y a désormais les juges-stars et les policiers-vedettes. Le fantasme Al Qaîda finit tôt ou tard par payer. Cependant, entre les vrais coupables et les faux justiciers, des centaines de musulmans sont en train de payer, à travers toute l'Europe, cette course contre le terrorisme. Il y a trois semaines, les services antiterroristes français étudiaient, avec tout le sérieux possible, les menaces proférées contre la France sur Internet par un groupe islamiste inconnu jusque-là et se réclamant d'Al Qaîda. Ces menaces émanaient en fait d'un groupe jugé peu crédible. Les «Brigades Abou Hafs al-Masri», un groupuscule se réclamant d'Al Qaîda, a menacé de mener «une campagne jihadiste sanglante» en France après l'élection de Nicolas Sarkozy, est un groupe, ou peut-être un homme, de très peu de crédit, et qui avait déjà revendiqué les attentats de Londres, de Madrid, d'Istanbul et même une panne d'électricité géante aux Etats-Unis, qui était un incident technique, selon des sources sécuritaires sérieuses. Intervenant sur ces questions, Anne Giudicelli, responsable du cabinet de conseil Terrorisc et spécialiste des questions terroristes, dit qu'«il faut rester vigilant». «Un message de ce type a pour but de placer la France comme une cible plus importante qu'elle ne l'est vraiment pour conférer à la France un intérêt plus stratégique qu'elle avait. Jusqu'à aujourd'hui, la France était vraiment considérée comme une cible secondaire. On n'a, cependant, pas assez d'éléments pour s'inquiéter», précise-t-elle.