Tizi Ouzou a vécu, hier, son quatrième après-midi d'échauffourées. La ville des Genêts, avec ses «habits» des jours de colère et ses magasins fermés, a livré ses rues aux échauffourées et son atmosphère aux gaz lacrymogènes ! Quatrième après-midi de colère, quatrième après-midi de nuisances. Tizi Ouzou, qui n'en peut plus, semble, désormais, livrée pratiquement toutes les soirées aux bandes de jeunes contestataires et à la furie des projectiles en tous genres. L'air, chassé par les gaz lacrymogènes des groupes d'intervention rapide de la gendarmerie et des URS, se fait rare, les logements donnant sur l'avenue Abane, en plein centre-ville, sont exposés à toutes sortes de nuisances : gaz lacrymogènes avec des grenades atterrissant sur certains balcons. Des échanges de propos incendiaires entre les deux «camps», des fumées noires des pneumatiques incendiés et, pour couronner le tout, les mères, perchées aux balcons, pour voir si l'un des leurs n'est pas dans la foule. Tel est le tableau qu'offre Tizi. Au centre-ville, particulièrement au niveau du groupement de la gendarmerie, la rue est jonchée de pierres, et, pour clore le tout, la grève des éboueurs a laissé s'amonceler les ordures ménagères. Les détritus mêlés aux pierres et aux gravats et le reste des pneus brûlés donnent une vision lunaire à la ville. A travers tous les quartiers de la cité, on remarque des groupes de jeunes gens s'égosillant en scandant: «Ulac smah ulac», «Ulac lvot ulac» et «Pouvoir assassin». De temps à autre, une pierre bien ajustée cogne violemment un bouclier, les gendarmes opèrent un recul, pour mieux repartir à l'assaut et entraînent vers le groupement de jeunes manifestants qu'ils ont réussi à ceinturer. La rue redouble de colère et les jeunes de férocité. Les rues nettoyées la veille disparaissent sous les immondices. A Fréha, dans la daïra d'Azazga, à environ une vingtaine de km, à l'est du chef-lieu de wilaya, des échauffourées ont également été signalées, alors que le sud de la wilaya donne l'impression d'être calme. Le discours du Président n'est pas passé inaperçu à Tizi Ouzou. Les commentaires vont bon train et les réactions sont des plus diversifiées. Les réponses du Président de la République aux revendications du mouvement citoyen, ont focalisé l'essentiel des discussions à Tizi Ouzou. Que ce soit dans la rue, dans les cafés ou les administrations, chacun y va de son commentaire et les avis sont divergents. Youcef, jeune informaticien reconnaissant que le discours était positif, affirme que «tout dépendra de la mise en oeuvre des promesses données. Ce qu'il a promis serait-il fait avant les élections ou après?». Abondant dans le même sens, la soeur d'une victime du printemps noir dit que «le discours est fait de promesses. On ne sait pas si ça va être concrétisé, sachant que durant dix mois de calvaire, toutes les portes nous ont été fermées. Concernant les commanditaires, on veut des noms et que les sanctions soient rendues publiques. Sinon, rien ne sera réglé». Plus confiant en l'avenir et las de vivre dans un climat de psychose, Arezki, gérant d'un cybercafé, est catégorique: «Le minimum d'acquis est un pas en avant. La constitutionnalisation de tamazight est une avancée considérable. Je suis satisfait du discours du Président sur tous les points». Ahcène, cadre à la wilaya pense, quant à lui, qu'«il faut sortir de la politique du tout ou rien. Il faut aujourd'hui sauvegarder les acquis et continuer à militer pacifiquement pour en arracher d'autres. Notre région ne peut plus se permettre de vivre dans l'anarchie». Abdallah, un quinquagénaire propriétaire d'un café a, lui, un tout autre avis: «C'est une avancée pour ce qui est de tamazight, mais ce n'est pas Christophe Colomb qui a découvert l'Amérique, mais c'est l'Amérique qui a découvert Christophe Colomb. Tamazight est une langue nationale de fait. C'est une réalité que nous vivons quotidiennement.» Khaled, jeune chômeur apostrophé en pleine émeute au niveau des «bâtiments bleus», a eu cette réplique: «Ulac smah ulac, l'vot ulac jusqu'au départ définitif des gendarmes de notre région.» Son ami Yazid, lui, n'attend rien du Président: «Ma seule préoccupation, c'est d'avoir un visa et partir pour ne plus revenir.»