«On me demande de remettre une copie de 52 minutes d'ici un mois, sinon je rembourse le million cinq cent mille dinars que j'ai reçu...». Le feuilleton Lledo se poursuit. Le réalisateur de Ne restent dans l'oued que ses galets a annoncé, hier, à la faveur d'un point de presse organisée à la FIJ de la Maison de la presse du 1er Mai, avoir reçu une mise en demeure par la commission de «Alger, capitale de la culture arabe», signée de la main de la ministre de la Culture, Khalida Toumi. M.Jean-Pierre Lledo a tenu à faire le point à la suite de ces deux mois de galère pour faire projeter son film dans les salles. «On me demande de remettre une copie de 52 minutes d'ici un mois, sinon je rembourse le million cinq cent mille dinars que j'ai reçu. Tout en sachant que c'est un prétexte. Le film de Arezki Metref fait 90 minutes. Mais on ne lui a pas demandé de changer la durée. Moi, c'est parce que je parle d'eux dans la presse...». Toutefois, soucieux avant tout de la sortie de son film pour qu'il soit vu par le plus grand nombre de spectateurs, Lledo a, encore une fois, concédé à cette exigence aux couleurs d'un abus de pouvoir qui ne dit pas son nom...«Par équité aussi, j'attends le visa d'exploitation pour mon long métrage documentaire. J'ai envie de le distribuer. Je ne l'ai pas encore reçu. Or, de l'aveu d'un réalisateur, il y a des films qui ´´sortent´´ sans ce document sans aucun problème. J'ai demandé à Mme Bencheikh où en est-on avec. Elle m'a affirmé que mon dossier était au niveau du chef de cabinet. Normalement, cela devrait être une formalité...» En gros, il y aura deux films. Bizarre, non? Ce qui dérange en fait, «Alger, capitale de la culture arabe» est non pas la durée, mais le contenu de mon film. C'est pourquoi on s'acharne sur des choses procédurières. (...) Or, moi, je dis que si la guerre d'Algérie a été faite autrement, les différentes communautés auraient pu continuer à cohabiter ensemble comme c'est le cas en Apartheid, par exemple, entre les Blancs et les Noirs.... Malgré tout, Jean-Pierre Lledo se dit être satisfait par l'écho positif émanant de la presse et autre société civile qu'il remercie pour son soutien. Il y a une nouvelle Algérie composée, non pas d'une société militaire, mais d'une société civile sur laquelle il faut compter pour défendre la liberté d'expression. Pour le citoyen, ajoute Jean-Pierre Lledo, compte-tenu du pluralisme qui caractérise le pays, on devrait laisser les cinéastes au même titre que les journalistes donner leur avis, et s'exprimer en toute légalité sur des faits historiques tangibles. Car, dit-il: «Au-delà des problèmes de pieds-noirs ou juifs, ces catégories ont été bel et bien exclues. Ne pas parler d'eux comme des Algériens, cela équivaut à faire une entorse à l'histoire algérienne. Laisser les cinéastes tourner, cela voudrait dire permettre l'esprit créatif et critique, ce dont on a peur...», explique Jean-Pierre Lledo qui espère voir enfin le dénouement de ce problème, plutôt bureaucratique et politique qui en dit long sur la manière de gérer la culture dans ce pays, quand elle n'est pas carrément mise de côté parce qu'elle ne répond pas aux normes «étatiques». Le deux poids, deux mesures dont fait l'objet Lledo avec son film n'est qu'un exemple parmi tant d'autres qui témoigne de cette situation de médiocrité, de clientélisme et de gabegie qui sévit dans ce pays. Hélas...