Mme Aldjéria est une superbe Biyouna que l'on retrouve avec autant de plaisir après Viva l'Aldjérie... Nadir Moknèche remet ça. Son troisième film avec sa désormais actrice fétiche, Biyouna, projeté en France le 5 juillet avant sa sortie officielle dans les salles le 11 juillet, fait déjà parler de lui. Délice Paloma, son nom, nous plonge, d'emblée, dans Alger des turpitudes et des entourloupes au goût de soufre. Bref, de la nuit et ses paradoxes. Mme Aldjéria, alias Zineb Agha, la cinquantaine entamée est une maquerelle libre et insoumise qui se donne comme vocation d'être «une bienfaitrice nationale», accomplie. Elle élève seule son fils Riyad (Daniel Lundh). Sur sa carte de visite est inscrit: «Mme Aldjéria vous arrange ça». Sa tribu comprend Mina (Fadila Ouabdesselam) sa soeur sourde-muette, ainsi que sa «collaboratrice» la rousse Zouina (Nadia Kaci), qui se fait appeler Shéhérazade. A sa sortie de prison, Mme Aldjéria retrouve cette dernière, voilée et mariée à un islamiste (Karim Moussaoui). Mais la patronne sait arranger les choses. Riyad est aussi sous le charme de cette nouvelle recrue, la délice Paloma que Mme Aldjéria veut transformer en une beauté fatale, femme libre et sexy. Tous quatre vont former une petite entreprise familiale, tour à tour, agence de détective privé, d'«escort girls» ou encore promoteur immobilier aux activités approximativement légales...Le Romanzo Criminal au féminin, fait tourbillonner la ville d'Alger et ses hommes d'affaires...Nadir Moknèche sait, encore une fois, tirer la bride sur les dessous de l'Algérois qu'il soit sordide, grotesque ou réel bouleversant de la société algérienne. Il brosse un tableau, en tout cas, tout aussi touchant, mais embrouillé que ses précédents films, que d'aucuns crieront, encore une fois, au scandale...«Normal», diront d'autres encore car c'est un film français. A cela, réplique Nadir Moknèche: «L'ironie du sort, c'est qu'après l'indépendance des pays du Maghreb, Paris est devenu leur capitale culturelle. Pas seulement dans la production cinématographique, mais aussi dans l'édition, la recherche...Mes films me ressemblent, et ressemblent à beaucoup d'entre nous qui sont le fruit de cette histoire franco-algérienne, histoire douloureuse, certes, mais c'est notre histoire. Quand tu es à Alger et que tu vas dans une boulangerie pour acheter une baguette ou un mille-feuille, tu ne te poses pas la question de savoir si c'est français ou algérien. Il ne faudrait pas qu'un jour, on veuille arracher les figuiers parce qu'ils auraient été introduits par les Phéniciens.» On en rit pas mal surtout. L'extraordinaire Biyouna, grande dame dans son rôle de «putain» assumée, est toujours magnifique. Le réalisateur algérien, Nadir Moknèche, résume Délice Paloma: Mon film brosse le portrait d'un petit peuple qui, pour s'en sortir, imite des comportements qui ne sont pas les siens. C'est l'histoire d'une femme en quête d'ascension sociale dans un pays en pleine mutation. Zineb Agha, alias Mme Aldjéria, part avec quelques handicaps: «c'est une femme seule, dans la cinquantaine, d'origine modeste, un fils issu d'un père inconnu...Pour survivre, elle a forcément fait un peu de tout, jusqu'à vendre un peu d'amour pour alléger la solitude de certains hommes. Comment vivre, s'en sortir, dans un univers de combines, de bouts de ficelle, un pays de passe-droits et de pots-de-vin?». Délice Paloma sortira sur les écrans français mercredi prochain. On ne pourra pas dire la même chose pour l'Algérie. Hachemi Zertal de la société de distribution Cirta Films nous indiqua, l'autre jour, une drôle d'affaire de doublage et de langue...Et Biyouna, qui en a marre de la médiocrité dans son pays, nous dresse un imbroglio avec le commissariat de «Alger, capitale de la culture arabe», avec une sombre histoire de sous concernant ce même doublage qui, semble-t-il, crée beaucoup de problèmes...Quand pourrait-on voir notre Biyouna nationale, notre grande comédienne populaire sur grand écran?