Revenu dans sa ville natale après l'éclatant Vivalaldjérie où les personnages déjà, n'étaient pas des enfants de cœur, Nadir Moknèche nous offre sous les yeux une nouvelle comédie de la meilleure veine inspirée et savoureuse, au centre de laquelle on retrouve le duo de choc Biyouna et Nadia Kaci, deux grandes actrices qui semblent former une secte indissoluble, désarmante de gaucherie, de gentillesse et surtout de vacherie dans cette enclave-fiction signée Nadir Moknèche. Délice Paloma, vu à Cannes au marché international du film, sera sur l'écran de l'Institut du monde arabe le 2 juillet, en avant-première mondiale. Sa sortie commerciale est prévue à la mi-juillet. Bourgeoise ou mafioso, l'allure hautaine et le verbe haut, madame Aldjéria (Biyouna) brasse beaucoup d'affaires louches, l'argent est son seul cheval de bataille. Elle procure des permis de construire, arrange des divorces, elle fait ouvrir des fast-foods, elle fait tout pour palper des millions de dinars. Dans son clan, il y a sa secrétaire (Nadia Kaci), qu'elle a ramassée des bas-quartiers d'Alger pour lui éviter la prostitution. La secrétaire prend de bonnes résolutions, finit par porter le hidjab et épouser un méchant barbu…Nadir Moknèche n'y va pas d'une main morte quand il montre l'envers du décor (respectable) d'Alger, les coups bas, les intrigues, les voyous déguisés en hommes d'affaires et la violence dans les coupe-gorges. Bref, dans Délice Paloma, Alger n'est pas l'endroit idéal où se bousculent joyeusement les innocents…Et pourtant, cette œuvre est un perpétuel éclat de rire. C'est une comédie très légère. Rien de foncièrement méchant, juste quelques plans tristes ; par exemple, quand mme Aldjéria sort de prison et retrouve sa maison saccagée. Simple anecdote. Qui fait commerce d'arbitraire en subit parfois (même à Alger), les conséquences. Avec un scénario bien construit et une mise en scène très soignée (rien à voir avec les productions aseptisées qui provoquent des règlements de compte, version « Alger, capitale de la culture arabe »), Nadir Moknèche nous offre une œuvre brillante et farouchement personnelle. Il est sans doute attiré par les grands metteurs en scène des comédies à l'italienne, comme Bolognini, Ferreri, Comencini… On se souvient de ce film Le Pigeon, un régal absolu, que Boudj projetait très souvent à la cinémathèque d'Alger. Dans Délice Paloma, délicieux tableau de mœurs algéroises, Biyouna, elle aussi, « pigeonne » allègrement, sans état d'âme, des quantités d'algérois, machos et mafiosi à la fois…Dans ce film, la morale est très bousculée. Le spectateur est toujours complice avec celle qui triche. On aime Biyouna comme on a aimé Hassen Terro, lui aussi un sacré filou. Fiche technique Délice Paloma, film de Nadir Moknèche Scénario : N. Moknèche Production : Yacine Yalaoui, Nathalie Mesuret, Bertrand Gore, Sunday Morning. Durée : 2h14, couleur, 35 mm Distribution : Films du Losange (Paris).