Production n Trois ans après Viva Laldjérie, le cinéaste Nadir Moknèche fait avec Délice Paloma le portrait d'une flamboyante maquerelle, reine des petits trafics et femme libre, symbole des contradictions de l'Algérie d'aujourd'hui. «Mme Aldjéria vous arrange ça» clame la carte de visite de Zineb Agha (Biyouna), une Algérienne d'origine modeste, entre deux âges, qui a élevé seule son fils Riyad (Daniel Lundh). La carrure imposante et la voix rauque, elle veille d'une affectueuse main de fer sur une petite tribu qu'elle héberge dans un grand appartement à Alger. Outre Riyad, celle-ci comprend Mina (Fadila Ouabdesselam) sa sœur sourde muette, ainsi que sa «collaboratrice» la rousse Zouina (Nadia Kaci), qui se fait appeler Shéhérazade «parce que ça fait rêver les hommes». Tous les quatre ont formé une petite entreprise familiale, tour à tour agence de détectives privés, d'«escort girls» ou encore promoteur immobilier aux activités tout juste légales, voire carrément répréhensibles. Ainsi, Mme Aldjéria n'hésite pas à envoyer les services d'hygiène afin de faire fermer La Fleur du jour, célèbre salon de thé algérois qui sert la merveilleuse glace Délice Paloma, pour satisfaire un concurrent jaloux. Mais au début du film, Mme Aldjéria a payé le prix fort pour ses activités de «bienfaitrice nationale» auto-proclamée : elle sort de trois ans de prison, et retrouve Shéhérazade mariée à un islamiste, la tête voilée. Délice Paloma dresse alors en flash-backs successifs un touchant portrait de cette femme volontaire et libérée, qui brave les interdits de la société. Interprétée avec sensibilité par Biyouna, populaire comédienne algérienne, elle incarne le sursaut d'une société traumatisée par le terrorisme dans les années 1990, gangrenée par le chômage et le manque de perspectives économiques. En contrepoint, grâce à une galaxie de personnages secondaires bien campés, Nadir Moknèche dépeint la corruption des élites en Algérie, le découragement de la jeunesse et son désir d'exil, le poids de la tradition sur la vie des femmes. Mais il rend aussi hommage à la riche culture méditerranéenne des Algériens, à leur autodérision et leur créativité, qui s'exprime notamment dans le raï, omniprésent dans la bande originale du film. Tour à tour émouvant et drôle, ce troisième film de Nadir Moknèche qui dure deux heures et quatorze minutes, aurait toutefois gagné à être plus court. Il sort en salles en France mercredi prochain.