Proposer une «large autonomie» aux Sahraouis, c'est reconnaître, sans doute indirectement, qu'ils ne sont pas aussi «marocains» que ça. Les Sahraouis sont décidés à faire valoir leur droit à l'autodétermination. Le dialogue maroco-sahraoui reprendra, ven-dredi 10 août, à Manhassat, près de New York. Le Maroc n'a pas mis -jusqu'ici- les formes pour convaincre les Nations unies de ses bonnes intentions. Car, sur le fond, les mandataires de Sa Majesté ne voulaient pas lâcher le morceau de «l'autonomie», alors que la résolution 1754 est claire. Elle demande aux parties au conflit, le Maroc et le Front Polisario, d'engager des négociations «de bonne foi sans conditions préalables», tenant compte des «développements survenus ces derniers mois», en vue de parvenir à «une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui permette l'autodétermination du peuple du Sahara occidental». L'autodétermination, en droit international, est le principe selon lequel un peuple doit avoir le droit de déterminer sa propre forme de gouvernement, indépendamment de toute influence étrangère. Le Maroc, en s'agrippant à son offre dite «d'autonomie», veut, en quelque sorte, ignorer le texte de la 1754, autrement l'enterrer carrément. Une question s'impose. Pourquoi, si réellement les Sahraouis étaient des Marocains, ne pas leur avoir proposé l'assimilation avec les mêmes droits et devoirs que les citoyens marocains? Aussi, proposer une «large autonomie» aux Sahraouis c'est reconnaître, sans doute indirectement, qu'ils ne sont pas aussi «marocains» que ça et que, tout compte fait, c'est le territoire sahraoui qui intéresse le Royaume chérifien et non le sort des Sahraouis. Le jeu est clair. Mais la réalité est si amère pour le roi du Maroc. Car, bon gré, mal gré, le peuple sahraoui n'est en aucune manière (aux plans historique, ethnique, culturel et autres) marocain. C'est pourquoi l'offre de «l'autonomie» que veut imposer le Maroc ne tient aucunement la route. Pour les responsables sahraouis, «ce n'est pas le Maroc qui décide, il n'est plutôt qu'une partie aux négociations de Manhassat». C'est ce que pense Mohamed Yeslem Beissat, ambassadeur, à Alger, de la République sahraouie, contacté, hier, par nos soins. Objectif déclaré du diplomate sahraoui: se rendre à Manhassat «avec un esprit ouvert, pour défendre le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination». Autrement dit, les Sahraouis sont prêts à rejouer le jeu, mais toujours attachés au texte de la résolution 1754, votée, par le Conseil de sécurité, le 30 avril dernier. «Nous sommes prêts à étudier toutes les options possibles qui garantissent le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination», a déclaré Mohamed Yeslem Beissat. Les Sahraouis comptent entrer, cette fois-ci, dans le vif du sujet, au lieu de tourner autour d'un projet contraire à la logique de la légalité internationale. A propos de l'autonomie, dans le système que l'on a tendance à appeler «autonomie interne», les colonies «autonomes» ont le droit d'édicter leurs propres lois dans un nombre de domaines plus au moins large. Le pouvoir central se réservant les prérogatives dans tout ce qui a trait aux Affaires étrangères, militaires et de l'ordre de la sécurité intérieure. Les gouvernements locaux des ex-colonies exercent alors toutes les autres compétences. En règle générale, l'autonomie interne a constitué une étape sur la voie de l'indépendance. Ce qui, à l'évidence, n'est pas l'intention du Maroc pour le Sahara occidental, mais un leurre visant à perpétuer l'occupation d'un territoire que la Cour internationale de justice (Cij) avait, en son temps (1975), estimé n'avoir aucun lien d'allégeance ou de souveraineté avec le Maroc. Le second round des négociations entre le Maroc et le Front Polisario est prévu pour les 10 et 11 août. Les 18 et 19 juin dernier, la première partie du feuilleton a été marquée par l'intransigeance du gouvernement marocain, obstiné à présenter et défendre le scénario de «l'autonomie» comme condition sine qua non. Tout en se mettant par ses exigences en porte-à-faux avec les résolutions de l'ONU, le Maroc s'est de lui-même mis au banc des accusés. Aussi, selon M.Yeslem Beissat, toute la difficulté pour le Maroc sera «de retirer sa délégation et/ou changer le contenu de la résolution onusienne», Rabat menant sciemment, selon lui, les négociations à l'impasse.