En fait, cette affaire semble plus relever de la psychologie avec un directeur général presque centenaire, qui s'accroche désespérément à son poste, et des associés tenus à l'écart de la marche de leur mutuelle. On pointe vers lui un doigt accusateur, on lui reproche le marasme, notamment la mauvaise gestion, où s'embourbe la Mutuelle de l'assurance automobile des travailleurs de l'éducation, de l'information et de la culture (Maatec)... Mais lui, Aïssa Beïod, directeur général de cette mutuelle, rejette en bloc toutes ces accusations. Les parties accusatrices sont nombreuses. La plus remarquable émane du ministère des Finances. Une visite, durant la journée d'hier, au siège de la mutuelle nous a permis d'en apprendre plus sur cette épineuse affaire. Connaissant l'objet de notre visite, les employés n'ont pas lésiné sur les détails et ont brossé un tableau peu reluisant de la Maatec. En fait, ils réclament le départ du directeur général -âgé de 89 ans- occupant différents postes au sein de la Maatec depuis sa création, en janvier 1965. Que M.Aïssa Beïod occupe le poste de directeur général depuis belle lurette n'est pas du goût des employés. «Selon le statut de la Maatec, deux tiers du conseil d'administration doivent être changés tous les deux ans», indique un responsable. «La moyenne d'âge au conseil d'administration de la Maatec avoisine les 80 ans. Absurde et irrationnel!», fulmine un autre. Autre reproche à l'encontre du DG qui, selon eux, impose son diktat et gère la Maatec à sa guise. La preuve, ont ajouté les sociétaires, M.Beïod touche un salaire mensuel de 18.000DA alors que les statuts de la Maatec stipulent que le poste occupé entre dans le cadre du bénévolat. A cette question, le DG de la Maatec oppose un démenti formel: «Ce sont des indemnités auxquelles j'ouvre pleinement droit.» Si la situation persiste, le naufrage est inévitable, insiste-t-on du côté des travailleurs. En effet, les accusations citées jusque-là ne sont que la partie visible de l'iceberg. Plusieurs institutions Des employés crient haut et fort qu'ils ont été traduits devant la justice au mois de mai de l'année en cours par ce même DG. «Il l'a fait car on a osé demander nos droits les plus absolus et qui, réellement, sont indiscutables. Il le fait car il veut faire de cette mutuelle une propriété privée», ajoute une employée ne maîtrisant plus ses nerfs. Et d'ajouter que M.Beïod les a récemment intimidés en faisant pénétrer la police au siège de la Maatec. «...Un M.Aïssa Tounsi qui se sert, auprès de la Dgsn, de son lien de parenté avec le directeur général, Ali Tounsi, pour nous intimider...», peut-on lire dans un document du personnel de la Maatec adressé au ministre de l'Intérieur, datant du 16 juillet 2007. Dans un autre rapport, l'on découvre que même Ali Tounsi est saisi par le personnel de la Maatec. «...M.Tounsi Aïssa, secrétaire général adjoint de la Maatec ainsi que les membres du bureau d'Alger du conseil d'administration, essaient d'intimider les employés et de les empêcher d'exercer leurs droits les plus élémentaires...», écrit le personnel. Interrogé sur l'état vétuste du siège de la Maatec et l'absence des micro-ordinateurs qui leur faciliteraient le travail, un responsable nous répond: «On est privé même de la formation de recyclage qui doit avoir lieu chaque trois ans». La même question a été posée au DG. «Ils ne sont pas des informaticiens pour qu'ils travaillent avec cet outil technologique», a-t-il répondu. Une réponse qui ne convainc personne. Ce n'est pas tout: cette affaire contient des zones d'ombre. Inexplicables. Le président de la République, M.Abdelaziz Bouteflika, est saisi pour mettre fin à ce que les employés qualifient de hogra. Il est écrit dans leur (employés ndlr) missive datée du 4 décembre 2006: «Un rapport accablant à l'encontre de la direction a été établi par la commission de contrôle. Cependant les sanctions tardent à tomber et les employés vivent un climat d'intimidation, depuis les choses empirent.» Où trouver le sésame? S'agissant de la mise en demeure émanant du ministère des Finances le 20 mai 2007, il convient de relever qu'une série de dysfonctionnements a été constatée par les inspecteurs des finances. Toutefois, le DG de la Maatec, M.Beïod ne l'entend pas de cette oreille. «Ce sont des imputations que je rejette», rétorque le big boss, laconique. La gestion administrative, la gestion technique, la gestion financière et comptable sont les griefs de cette accusation. M.Beïod sera-t-il le DG éternel de la Maatec? A ce titre, la direction générale du Trésor dépendant du département des Finances, accorde au concerné une prorogation de deux mois, soit le 31 août 2007, pour céder sa place et faire élire un directeur chevronné et dynamique. Les souffrances des uns et des autres Malgré cela, le directeur général de la Maatec ne trouve pas mieux que de confirmer à L'Expression: «Je ne cèderai pas ma place aux jeunes d'aujourd'hui sans expérience, moi le membre fondateur de cette mutuelle à laquelle j'ai consacré toute ma jeunesse et ma carrière professionnelle.» En fait, cette affaire semble relever de plus en plus de la psychologie du comportement avec un directeur général, presque centenaire, qui s'accroche désespérément à son poste et des associés tenus à l'écart de la marche de leur mutuelle. Furieux, les sociétaires dénoncent leur absence aux réunions du conseil d'administration. «Cette année un seul sociétaire y a assisté sur l'ensemble des 4000», précisent-ils, indignés. La dernière assemblée générale tenue le 22 juin 2007 à la demande du ministère des Finances a tourné à la débâcle, à se fier aux dires de M.Othmane Belguendouz, agent de la Maatec. «Des méthodes illicites ont été utilisées pour le renouvellement des deux tiers du conseil d'administration», a-t-il écrit dans une lettre datant du 2 juillet en cours. Ce genre de pratiques, selon lui, a mené à une chute considérable des effectifs qui sont passés ainsi de 16.000 adhérents en 1998 à 4000 sociétaires actuellement. Le DG, quant à lui, estime que des invitations leur seront envoyées dans les meilleurs délais. Cela ne calme pas pour autant la fureur des sociétaires. Certains ne trouvent pas les mots pour dire ce qu'ils ressentent. Une dame, originaire de Constantine, à peine la cinquantaine, insiste pour rencontrer M.Beïod. Assurée «tous risques», l'expert lui accorde 16 millions de centimes de dommages. Grande fut sa surprise en découvrant la quittance d'indemnité de la Maatec de l'ordre de 9 millions de centimes. Quel est le rôle de l'expert si l'on ne tient pas compte de ses expertises? s'est-elle interrogée. Consciente de la dureté de la prochaine rentrée sociale, cette dame se demande comment va-t-elle pouvoir payer la différence, 5 ou 6 millions de dettes, se lamente-t-elle. Aussi, elle a souligné qu'elle envisage de prendre un avocat pour récupérer son argent. Autre exemple, un assuré à la Maatec qui a deux dossiers en suspens sous les numéros 07.223 et 06.070, attend d'être remboursé respectivement depuis mars 2007 et avril 2006. Malgré plusieurs réclamations et les lettres adressées aux différentes parties, le remboursement de la somme (qui dépasse les 13 millions de centimes) demeure lettre morte. On lui demande de faire les réparations du véhicule avec son propre argent et de ramener la facture, ensuite, pour pouvoir ouvrir droit au remboursement, une pratique contraire à la législation régissant les compagnies d'assurance. Interrogé sur ces cas, qui ne sont qu'un échantillon expliquant la situation gestionnaire on ne peut plus catastrophique de la Maatec, M.Beïod estime que ce retard est logique car la Maatec attend toujours le verdict quant à certains dossiers qui seront traités par voie de justice. «Sinon, il n'y a pas de retard» a-t-il ajouté. «Tout repose sur le rapport de l'expert et la facture de la réparation qui nous permettra de savoir ce qui a été réellement réparé», conclut M.Beïod. Toutefois, cela ne constitue qu'un épiphénomène dans l'imbroglio où se débat la Maatec. Aussi, le l1 août constituera, sans doute, la date-phare qui décidera de l'avenir de la Mutuelle de l'éducation.