Le chef du gouvernement, par ailleurs secrétaire général du FLN, se trouve coincé entre deux soucis qui ont des répercussions directes sur le pays. Le FLN en crise? C'est ce que laissent entendre la rumeur et les milieux «informés» gravitant dans la périphérie du vieux parti. Mais en fait, cela n'est pas nouveau et le Front de libération nationale vit une convalescence mal achevée induite par les plaies non cicatrisées d'un redressement mal assumé qui n'a pas ramené la sérénité dans ses rangs. Toutefois, outre les remous internes au FLN, le chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, a encore à faire face à une rentrée sociale problématique avec l'ouverture de la nouvelle année scolaire et les proches débuts du mois sacré du Ramadhan. Situation aggravée, si cela pouvait être, par les prochaines élections locales -dont les préparatifs vont bon train à en croire les services du ministère de l'Intérieur- de même que l'éventuel amendement de la Constitution qui revient cycliquement à l'ordre du jour depuis trois ans au moins. Les remous au FLN, cela n'est pas nouveau en fait, semblent toutefois prendre cette fois-ci, un peu plus de consistance, tant par les «bouderies» de certains éléphants, tels MM.Goudjil et Saâdani, absents aux dernières réunions du comité exécutif du parti, que la récurrence des turbulences qui entourent les désignations des mouhafadhs, devenant un véritable abcès de fixation dans le fonctionnement du parti depuis des années. Il faut aussi relever que l'indécision du secrétaire général qui n'a pas su -d'aucuns affirmeront plutôt qu'il n'a pas pu- couper dans le vif du sujet ou trancher dans la conduite des affaires du parti, a laissé la porte ouverte à toutes les spéculations quant au pourquoi de cette agitation. Déjà, lors de la confection des listes électorales des législatives du 17 mai 2007, M.Belkhadem a été acculé par les fortes pressions quant au choix des candidats, jusqu'à lui faire admettre que celui-ci ne répondait pas -dans certains cas- aux sélections de la base et qu'il y eut des interférences extrapartisanes. Une manière de reconnaissance à peine voilée du fait que le secrétaire général du FLN -adoubé à la chefferie du vieux parti suite au «redressement» dont le FLN a été l'objet- ne dispose pas du pouvoir, à tout le moins, pas de tout le pouvoir dans le parti qu'il dirige et qu'il devait compter, entre autres (?), avec l'avis du président d'honneur du FLN. Que ce soit un problème d'hommes, beaucoup de promesses ont été faites par certains caciques du parti, peu, et pour cause, ont été tenues, de politique, désignation des mouhafadhs (commissaires du parti au niveau des wilayas) notamment, le secrétaire général du FLN donne l'impression de ne pas avoir de prise sur ces événements. Cela peut avoir une explication simple: le FLN n'étant pas un «parti aux normes» continue de servir de tremplin pour l'accès au pouvoir comme en attestent les péripéties qui ont entouré la «désignation» des candidats FLN aux dernières législatives. Aussi, le FLN «redressé» -M.Belkhadem a joué un rôle prépondérant dans l'issue de ce «redressement»- n'a-t-il pas retrouvé sa plénitude de parti politique mais maintenu dans une fonction d'appareil politique et de machine électorale propices à certaines carrières politiques au long cours. Et M.Belkhadem semble avoir peu de prise sur cette situation pour en changer le mouvement. Cette distanciation de M.Belkhadem par rapport aux événements apparaît également dans sa charge de chef du gouvernement où il donne plus l'impression d'expédier les affaires courantes que réellement agir sur les faits pour les orienter vers le mieux, comme l'indique parfaitement l'envolée des prix des produits de première nécessité. Là également, M.Belkhadem a, ces derniers mois, plus remédié au plus pressé qu'initié une politique audacieuse à même de sortir le pays du marasme social directement lié à la disponibilité des produits de base de consommation de la population. Certes, Abdelaziz Belkhadem, lors de sa prise de fonction à la tête du gouvernement, a prévenu qu'il se considérait comme «coordinateur» de ce gouvernement, fixant ainsi de lui-même les limites de son action. Mais cela n'excuse pas son attentisme, ni n'explique pour autant la flambée des prix de ces derniers mois, laquelle remet en cause une politique sociale quelque peu à l'emporte-pièce. N'a-t-on pas, quelque part -en laissant se développer les monopoles- contribué, indirectement à l'expansion du malaise social qui fait que le gouvernement a (trop facilement) recours à des rafistolages qui laissent le problème entier. En réalité, l'administration a elle-même créé ce cercle vicieux de la non-maîtrise des prix; d'abord par le fait que l'Algérie -une grande importatrice de lait en poudre et de blé notamment- n'a aucune possibilité d'action sur les prix de ces matières premières, lesquels se décident ailleurs, mais dont les retombées sur les prix à la consommation sur le marché national a des répercussions ravageuses sur le pouvoir d'achat de la population; d'autre part par le fait qu'une grande partie des importations massives -dans l'objectif de casser les prix imposés par les monopoles- sont récupérées par ces mêmes monopoles qui agissent ainsi sur la pénurie de ces produits en maintenant les prix au plus haut. Or, ce problème perdure depuis des années et le gouvernement de M.Belkhadem, pas plus que ceux de ses prédécesseurs d'ailleurs, n'est parvenu à réguler le marché et à en contrôler l'action. Aussi, la décision du gouvernement de garder «un oeil» sur la fluctuation des prix, bienvenue sans doute, risque toutefois de rester sans effet sur un marché miné de l'intérieur. Et à M.Belkhadem de constater les dégâts. Sur un autre plan, les prochaines élections électorales mettent encore en plus mauvaise posture que cela pouvait se faire un chef du gouvernement réduit à la politique de l'improvisation pour parer au plus pressé. Mais chacun sait que le fortuit n'a jamais généré une politique capable de prendre en charge l'ensemble des préoccupations de la population et des citoyens. Les émeutes récurrentes que connaissent les diverses régions du pays pour raison de mal-vie - manque de travail, manque de logement et peu de perspectives d'avenir - auraient pourtant dû alerter de longue date les gouvernants. Et c'est le travail, singulièrement, d'un chef du gouvernement que de répondre aux attentes de ses administrés. Aussi, si jamais la question s'est posée, il est encore à se demander si Abdelaziz Belkhadem, dans la conjoncture qui est celle de l'Algérie, est bien l'homme de la situation?