Il y a quelque chose de fascinant dans ce parti qui pratique parfaitement la technique du roseau face à la bourrasque. Chaque parti dans son siège, peut faire sa révolution. Comme son nom l'indique, une révolution obéit à une logique cyclique qui dépend de la conjonction de facteurs internes et externes. Au FLN, il y a une révolution interne à chaque rendez-vous électoral. Et comme le cycle des élections en Algérie est perturbé, le vieux parti subit ces agitations par des manifestations à la limite d'une rébellion mais toujours interne. A voir le nombre de militants contestataires chaque semaine qui nous fait rapprocher des élections locales, il faut croire que le FLN s'est installé dans une crise endémique. Qu'on en juge: hier, pas moins de 210 militants représentant 42 kasmas du FLN se sont rassemblés devant le siège national du parti. Ces militants venus d'Oran dénoncent les incursions au sein des structures du parti. A Djelfa, la mouhafada de cette wilaya a été, il y a quelques jours, envahie par les militants contestataires qui s'insurgent contre la liste des candidat présentée par le parlementaire Ben Cherif Abdelkader. A Chlef c'est la rébellion et les militants en sont venus aux mains. Ils se disputent le siège de la mouhafadha occupé par d'autres militants qui se revendiquent de la légalité. Au moins 400 candidats de cette wilaya se sont rendus au siège national du parti pour exprimer leur courroux. A Sétif, de nombreux militants n'arrivent pas a digérer l'anarchie qui caractérise l'étude des dossiers de candidatures. A Tiaret, les militants menacent d'une démission collective. Au niveau de la commune de Tiaret la guerre est féroce pour le nom de celui qui sera tête de liste. La mouhafadha de Saïda se place en état de guerre. Dans son communiqué n°1, elle alerte que des militants désertent le parti pour aller se présenter sur d'autres listes. Un appel a été lancé à la direction exécutive à partir de la mouhafadha de M'sila pour mettre fin aux dépassements dans la confection des listes électorales. L'une des rares wilayas où le FLN semble se porter comme un charme est Béjaïa. Sinon, le même scénario, les mêmes griefs et les mêmes plaintes sont faites à Constantine, Annaba, Bouira et d'autres wilayas encore. Sur les hauteurs d'Alger, à Hydra, la direction du vieux parti n'a pas encore jugé important de s'éveiller à l'urgence de cet indispensable recadrage. Il y a quelque chose de troublant dans ce parti à vouloir faire sa révolution à chaque rendez-vous électoral. Ce sont les moments où le FLN existe réellement en tant que parti national des contradictions. C'est le moment où il décide de se rebeller contre lui-même pour ne pas continuer à se dissoudre dans son cloaque et à s'obstiner dans la certitude de ses choix. Ce genre de soulèvement est certainement difficile. Ce n'est rien moins qu'un putsch, légal, contre soi. C'est une émeute en solo. Un tsunami du dedans. Dans ces guéguerres, les discours promettent d'induire quelque chose, un mouvement, un changement, de participer à l'écriture de l'histoire de la «Démocratie», au sauvetage du pays etc. Et puis cette auto-révolution pourquoi ne va-t-elle pas accoucher d'un homme nouveau, lavé, serein, en paix avec lui-même et en harmonie avec ses convictions? Bien naïf serait le militant qui parierait sur cette boutade. Si le parti montre à chaque fois des signes d'un grand chambardement, il lui manque un déclic, une révélation où il pourrait puiser la force qui lui manque. Le lendemain des élections le parti remet les pieds sur terre le temps d'une halte en attendant une autre bataille interne. Il y a quelque chose de fascinant dans ce parti: c'est qu'il pratique parfaitement bien la technique du roseau qui s'incline le temps que la bourrasque passe. C'est avec ces démonstrations que le parti majoritaire gagne à chaque fois sa bataille contre lui-même. Le FLN est un parti unique.