Décidément, la tragédie nationale ne cesse d'inspirer bien des auteurs. Il a parfaitement raison celui qui a annoncé, un jour, «la douleur enfante des écrivains». C'est que Hénia Aouadène, en étant à son deuxième ouvrage, après avoir écrit un recueil de nouvelles, la voilà qui récidive avec une pièce théâtrale aux éditions Marsa intitulée Le Cri des sebayate (sebayate veut dire ces femmes enlevées par les terroristes). Une oeuvre on ne peut mieux réaliste. On dirait que l'auteure a vécu dans sa chair la chose racontée avec bien des détails bien qu'elle vit en France. C'est que parfois, l'imagination, l'inspiration, la sensibilité réussissent bien des choses. Surtout que l'oeuvre qui décrit le quotidien de ces femmes enlevées dans les maquis islamistes avec leurs sujets de discussion propres aux femmes, est écrite par une femme, comme seule peut le faire. «Ils sont arrivés, ils ont commis leur forfait. Regardez leurs yeux (à voix basse). Ils paraissent drogués!» dit Nouria, l'enseignante, à l'adresse de ses deux compagnes Houria la comédienne plutôt rebelle, et Rabéha, la mère de famille, toutes les trois «enlevées un matin sur le bord d'une route». La pièce s'ébranle avec un langage qui sied parfaitement aux personnages, chacun dans son rôle, selon sa position, son rang jusqu'à son prénom. Ainsi donc, le langage de Nouria l'enseignante, belle avec de la finesse dans les gestes, diffère de celui de Rabéha, une mère de famille plutôt habituée à la soumission. L'ouvrage, qui se lit d'un trait, raconte au-delà d'un quotidien atroce dans le maquis de ces femmes enlevées par des islamistes armés, nous fait rappeler en réalité tout le mal fait aux femmes à travers tous les temps et dans tous les coins de la terre. Pour toute fin, voici quelques informations concernant l'auteure: l'écrivaine est née à Marseille de parents algériens. Assistante en français à Cordoue et à Grenade, puis militante associative et formatrice, elle enseigne aujourd'hui dans un lycée professionnel des quartiers nord de Marseille. Le Cri des sebayate, Marsa éditions, prix 12 euros.