Une coopération judiciaire et policière plus que jamais renforcée, un Europol réactivé et une alerte antiterroriste au rouge. L'heure est aux choses sérieuses. Quelques jours seulement après le «prêche» du numéro deux d'Al-Qaîda, les Européens ont décidé de mettre les grands moyens aux fins de faire front aux menaces de l'organisation criminelle d'Oussama Ben Laden. L'Union Européenne se dote de plusieurs instruments pour renforcer sa sécurité intérieure en adoptant un accord-cadre dans le domaine de la protection des données en matière de coopération policière, et les grands axes d'une politique sur la cybercriminalité et la traite des êtres humains proposée par la présidence portugaise. Cela vient en appoint des mesures sécuritaires prises indépendamment par chaque pays membre de l'UE, à commencer par l'Espagne et la France, deux pays placés désormais dans la ligne de mire de la nébuleuse Al-Qaîda. Le 3 novembre dernier, le bras droit d'Oussama Ben Laden, a appelé les musulmans maghrébins à proclamer le «djihad» contre les intérêts des Etats-Unis, de la France et de l'Espagne dans les pays d'Afrique du Nord. En Europe, le mercure de l'alerte a atteint la zone rouge à la suite de cet énième appel au crime diffusé par Ayman Al-Zawahiri. C'est pourquoi les Européens ont décidé de passer à la vitesse supérieure de vigilance, en guise de réplique et aux fins de parer à une probable mise à exécution des menaces terroristes. Une éventualité à ne pas prendre à la légère, à en croire le coordinateur de la politique européenne de lutte antiterroriste, le belge Gilles De Kerchove. Auditionné la semaine dernière par le Parlement européen, l'homme «antiterroriste» a souligné qu'«un attentat perpétré par des réseaux locaux ou internationaux reste probable». Le Conseil des ministres de la justice et des affaires intérieures «JAI» de l'Union Européenne, réuni en fin de semaine à Bruxelles, est tombé d'accord quant au libellé de la décision-cadre sur la protection des données dans le domaine de la coopération judiciaire et policière, dont la dernière mouture a été proposée par la présidence portugaise. Désormais, le Vieux Continent opte pour une tendance du «tout-sécuritaire». Le ministre portugais et le vice-président de la Commission européenne, chargé de la justice, liberté, et sécurité, Franco Frattini, ont indiqué, lors d'un point de presse, que cette décision du «JAI» «va permettre d'accroître la coopération et l'échange de renseignements entre forces de police et tribunaux de par l'Europe». En outre, en fixant des normes identiques relatives au traitement des données reçues ou envoyées, quel que soit l'Etat membre, ce régime juridique renforce la confiance entre les autorités et favorise l'échange de renseignements, un élément crucial de la lutte contre le terrorisme et la criminalité sévère au plan transfrontalier, estiment-ils aussi. Par ailleurs, la décision établit un haut niveau de protection des droits fondamentaux, en ce qui concerne les données personnelles. A ce jour, faut-il le préciser, il n'existait aucune protection européenne dans le cadre de l'intervention policière et judiciaire pour ce qui est de la vie privée des citoyens. La protection est désormais assurée, mais la tolérance zéro est aussi décrétée à tout activisme suspect. En d'autres termes, la proposition de la présidence portugaise permet de trouver un équilibre entre, d'une part, la nécessité d'échanger vite des renseignements, pour pouvoir prévenir et enquêter des crimes, et, de l'autre, le devoir de réserve dû aux citoyens afin d'en préserver la vie privée. Le Conseil a aussi tranché sur des mesures pour améliorer le fonctionnement d'Europol (Office européen de police). A cet égard, une partie substantielle de la proposition de décision du Conseil a fait l'objet d'un consensus. Sur proposition de la présidence, le Conseil a, par ailleurs, approuvé des conclusions sur la lutte contre la traite des êtres humains et contre la cybercriminalité. Pour la présidence portugaise, «la cybercriminalité constitue une forme de criminalité en soi et une nouvelle façon de perpétrer de vieux crimes». La préparation des attentats terroristes et l'incitation au terrorisme, la criminalité économique et financière ou l'exploitation sexuelle et la pornographie des mineurs montrent à quel point l'Internet peut servir à des fins atroces. C'est dire que l'Europe est décidément sur ses gardes. Un effet du redoutable Al-Zawahiri.