Les signaux que les groupes armés s'envoient sont illisibles en dehors de la nébuleuse même. Que le GIA fasse un communiqué pour présenter son nouveau chef, Ouakal Rachid, dit Abou Tourab, est une chose, mais qu'il espère être le nouveau porte-drapeau de la vaste nébuleuse djihadiste, en est une autre. L'assassinat de 21 militaires et d'un patriote dans le sud de Saïda définit clairement les lignes de démarcation entre les différents groupes armés qui activent en Algérie. Cet «immense» assassinat - en fait, le plus important depuis le début de l'année - remet au-devant de la scène sécuritaire la question de leadership des groupes armés. L'élimination de Zouabri, le 8 février dernier, en plein centre de Boufarik, avait sonné comme une cinglante fin du GIA, bien que sa descente aux enfers eût commencé depuis 1998. Le Gspc reste, de toute évidence, l'organisation terroriste la plus importante actuellement, aussi bien sur les plans structurel et organisationnel que sur les plans idéologique et pratique. Hattab procède par des assassinats ciblés, mûrement étudiés, tout en essayant de vivre en symbiose avec les populations civiles locales. Cela ne fait pas pour autant du Gspc un groupe leader de la nébuleuse djihadiste. Loin s'en faut, car même s'il a pu se faire rallier par les groupes autonomes du GIA disséminés à l'Est, à l'Ouest, son importance reste insignifiante, voire dérisoire. Ce qui explique ses vaines tentatives de rallier à sa cause les groupes qui activent dans le pourtour des monts Ouarsenis (Chlef, Tiaret, Tissemsilt, Aïn Defla, Khemis Miliana, etc) et sont carrément hégémoniques à l'Ouest (Mascara, Saïda, Relizane, Aïn Témouchent, Aïn Sefra et Sidi Bel Abbes). Parmi ces groupes, on connaît vaguement la Djemaâ essalafia el moukatila (le dernier-né des groupes de l'Ouest), El ahoual, qui s'est mué en Houmat eddaâwa essalafia, la séparatiste Katiba el-thabet, mais on ne sait pratiquement rien des poignées d'hommes y activant, de façon imprévisible, illogique, chevauchant en même temps, le politique, le religieux, le djihad, la criminalité et le gangstérisme organisé. Il serait simpliste et présomptueux de nommer ici tel ou tel groupe. On peut, toutefois, affirmer que le groupe auteur du massacre a dû être une phalange du GIA et qui, depuis des années déjà, a fait scission avec la branche-mère pour s'«autogérer» sous quelque appellation que ce soit. Les signaux que les uns et les autres des groupes armés s'envoient sont illisibles, du moins difficiles à décrypter en dehors de la nébuleuse même. Ici, seuls les massacres, le nombre de morts, l'impact médiatique et l'importance de l'opération priment. C'est une sorte de délimitation de terrain, d'autonomie, de remise en forme du moral des troupes.