Le MSP dégaine, mais ce sont des balles à blanc. Moins d'une semaine après la démission de Ahmed Ouyahia de la chefferie du gouvernement et son remplacement par Abdelaziz Belkhadem, le MSP dégaine, dans l'enceinte même du Parlement, par la voix autorisée du chef du groupe parlementaire. Les attentes concernant la formation du gouvernement neutre, formé de technocrates en vue de gérer les prochaines élections législatives, ont été nettement contrariées. C'est-à-dire que pour le MSP, toute l'agitation qui a précédé le départ de Ahmed Ouyahia et qui a vu la paralysie de l'action de l'Exécutif, a été une montagne qui a accouché d'une souris. Le tandem MSP-FL s'était ligué moins contre le RND que contre son patron Ahmed Ouyahia, désigné comme l'ennemi commun. Qui plus est affublé du titre peu flatteur de fraudeur en chef des résultats des urnes. Ajoutez-y une pincée, voire un soupçon de fraternité islamo-baathiste, et vous obtenez un mélange détonnant antiéradication de premier plan. Ahmed Ouyahia a beau soutenir des deux mains la Charte pour la paix et la réconciliation, il traîne comme une casserole pétaradante son étiquette d'éradicateur peu recommandable, d'autant plus qu'il a l'art et la manière de triturer les suffrages au goût de son parti le RND. Jusque-là tout allait bien entre les deux alliés MSP et FLN, jusqu'au jour où le chef de l'Etat a décidé de reconduire telle quelle la composition de l'Exécutif. Une décision qui a frigorifié les espoirs du MSP. Ne voyant point venir l'équipe de technocrates promise et remarquant que le secrétaire général du FLN, personnalité partisane s'il en est, est aux commandes de l'Exécutif, le MSP sort de ses gonds. Devant sa base militante, l'argument de «fraude annoncée» présenté pour exiger le départ d'Ouyahia, vole en éclats. Du coup, c'est l'Alliance présidentielle elle-même qui a pris du plomb dans l'aile. Maintenant la question que l'on est amené à se poser est la suivante: cette sortie du MSP est-elle le signe avant-coureur d'une crise gouvernementale annoncée? Faut-il considérer dans ces conditions que Abdelaziz Belkhadem n'est là que pour gérer une période de transition, en attendant la formation d'un gouvernement de technocrates? Mais surtout, qu'en pense le chef de l'Etat, qui, seul, a les prérogatives de nommer le chef du gouvernement et de le faire remplacer. Le MSP est-il en mesure de dicter ses choix au président de la République? Y a-t-il eu concertation entre le MSP et le FLN, y a-t-il eu un deal entre M.Belkhadem et Soltani durant la semaine de crise qu'a vécue le pays? Connaissant M.Bouteflika, on sait qu'il n'est pas homme à se laisser dicter sa conduite. Pour les élections législatives de 2007 et pour la suite de son mandat, il a sûrement ses propres choix. Et un plan arrêté. Mais ayant déjà ouvert un front avec le RND, où l'on soupçonne déjà un plan de redressement en marche, le chef de l'Etat ne voudra peut-être pas s'aliéner la base du MSP ; notamment en prévision des échéances électorales futures, dans la perspective de la révision de la Constitution. On peut donc logiquement considérer que la période que traverse le pays, pour porteuse qu'elle soit de nuages d'été, n'est peut-être que provisoire, M.Belkhadem lui-même ayant du pain sur la planche pour la reprise en main de la situation, en coordination avec ses alliés du MSP, et sans doute aussi du RND. Mais en a-t-il la volonté, lui qui n'a cessé de répéter que le FLN est la principale force politique du pays? En tout état de cause, il y a certainement un forcing qui est engagé au niveau des partis politiques non seulement en prévision des scrutins à venir, mais aussi en vue du contrôle de l'Exécutif, d'autant plus que le MSP a toujours estimé que les résultats électoraux sont truqués et qu'il est en mesure et en droit d'occuper une meilleure place dans l'échiquier politique national. De ce point de vue, on peut estimer que la scène politique s'emballe, relançant la compétition et l'intérêt précédant les scrutins. Néanmoins, notons que cela semble se jouer dans un mouchoir de poche, n'impliquant que les membres de l'Alliance présidentielle, comme si le jeu était fermé. L'opposition est-elle à ce point tétanisée? Ou bien la léthargie n'est-elle que factice, en attendant les futures joutes électorales. Il semble en tout cas, que loin d'être une quelconque ébullition, ce qui se passe renvoie plutôt à une tempête dans un verre d'eau, le président de la République restant maître du jeu, un jeu dont il semble seul pour l'instant à fixer les règles.