Délogés des contreforts de Chréa, les GIA, depuis 1999, adoptent la stratégie du perpétuel mouvement. Après avoir quitté la dernière ville-étape de Blida, nous nous enfonçons en plein dans les maquis, plus à l'ouest, qui mènent vers Miliana et Aïn Defla. La beauté du site de Beni Djemaâ rivalise avec l'appréhension que soulève l'endroit: routes bordées d'arbres centenaires, virages dangereux et ininterrompus auxquels succèdent des vergers au piémont des collines verdoyantes. L'itinéraire est encore plus marqué de vague appréhension: Oued Djer, Boumedfaâ, Oued Zeboudj, Oued Ali, Hoceinia, Oued Sidi Omar, Aïn Turk puis Miliana. En chemin, des barrages des Bmpj et des gardes communaux rappellent que vous êtes en zone dangereuse. Surplombant les collines, les miradors, sorte de guérites en béton armé, sont placés comme autant de sentinelles pour sécuriser l'axe le plus dangereux d'Algérie, de 1994 à 1997, entre Miliana et Khemis. On est quelque part dans le vaste espace de transhumance des GIA. La région s'appelle Djelida Ehl El-Oued, dans la topographie des anciens de la région. C'est ici, dans cette bourgade enclavée au pied d'une chaîne de monticules rocailleux, que se trouve notre guide. Avec lui, nous faisons le tour à Ras-El-Akba, lieu du drame de mardi et lors duquel une mère et ses enfants, âgés de 28, 24, 18 et 7 ans ont été déchiquetés par l'explosion d'une bombe, avant d'être achevés par les balles du groupe armé du GIA, venu cette nuit-là pour signer un nouveau carnage au nom d'Abou Tourab, son nouvel émir.Cette attaque, comme dans la proche périphérie d'une grande ville, renseigne bien sur l'audace et la logistique dont dispose encore le groupe armé infestant le coin de la région. Est-ce le même groupe qui a tendu l'embuscade aux patriotes de Djemaâ Ouled Cheikh, pour en tuer deux? Possible, les quelques kilomètres d'intervalle séparant les lieux des deux massacres peuvent rattraper les quelques heures qui ont séparé l'un de l'autre.Délogés des contreforts de Chréa, les GIA, depuis 1999, adoptent la stratégie du perpétuel mouvement. Ils sont quelque 40 hommes armés à se déplacer de nuit dans le «triangle de la mort»: Blida-Médéa-Aïn Defla. Mais c'est vraisemblablement Aïn Defla, qui «offre» le plus d'opportunités aux éléments armés. Située à l'ouest de Djendel et placé sur l'itinéraire de la zone de transhumance des GIA, Aïn Defla est particulièrement ciblée depuis quelques mois. Pour uniquement la deuxième quinzaine du mois dernier, l'on peut évoquer la bombe désamorcée de justesse le 30 mars, le massacre qui a fait 4 morts, le 28 mars et le faux barrage de Boumedfaâ, le 14 mars, où 4 citoyens ont été tués et 2 autres blessés. Zone intrinsèquement rurale, malgré tous les efforts de développement des autorités locales, la wilaya de Aïn Defla présente l'un des taux les plus élevés en matière de chômage, poussant les milliers de jeunes de la région dans les bras des terroristes. A cela s'ajoutent une indigence sociale, un manque de loisirs et une absence d'infrastructures pédagogiques effroyables. Coincée entre 4 wilayas plus prospères, Médéa et Tipasa aux terres fertiles, Chlef, la «commerçante», et Tissemsilt, l'agropastorale, Aïn Defla n'a que sa poussière, son sol rocailleux et ses terres arides à offrir à ses enfants dont le désoeuvrement est criant. Une minorité y détient argent et pouvoir, mais la grande masse des jeunes, bloqués entre un thé à la menthe et une cigarette à quatre dinars, reste dans l'expectative et plongée dans l'angoisse des lendemains incertains.