La loi fondamentale algérienne continue d'imposer des restrictions à la pratique des droits syndicaux en Algérie. Quelle est la situation des libertés syndicales en Algérie? Où en est-on avec leur pratique? Les syndicats algériens sont-ils au fait de l'arsenal juridique régissant ce domaine? Ce sont autant de questions, et bien d'autres encore, qui ont été abordées lors la conférence sur les libertés syndicales qui a été organisée au siège de la fondation Friedrich Ebert, à Alger. «On ne peut parler des libertés syndicales sans se référer à la Constitution», a estimé Nacer Koriche, juriste et enseignant à l'Institut des sciences politiques d'Alger. Toutefois, en se référant à la loi fondamentale, ce spécialiste du Code du travail, dresse un tableau peu idyllique de la place réservée aux libertés syndicales des mouvements défendant les droits des travailleurs. «Le volet relatif au droit syndical est contenu dans l'article 56 de la Constitution de 1996», précise le conférencier. Et que stipule-t-il? Voici le texte de l'article en question: «Le droit syndical est reconnu à tous les citoyens». Pour Nacer Koriche, ce texte demeure flou et peut ouvrir la voie à tous les débats, tout comme l'article 57 qui stipule: «Le droit de grève est reconnu. Il s'exerce dans le cadre de la loi. Celle-ci peut en interdire ou en limiter l'exercice dans les domaines de défense nationale et de sécurité, ou pour tous services ou activités publics d'intérêt vital pour la communauté.» Là-dessus, le conférencier précise: «Le droit à la grève est reconnu, mais il n'est pas souligné qui est le titulaire de ce droit», souligne M.Koriche qui rappelle que l'article 60 de la Constitution de 1976 est plus explicite. Ce dernier stipule en effet, que «le droit syndical est reconnu à tous les travailleurs; il s'exerce dans le cadre de la loi». Toute analyse faite des lois sus-citées, le conférencier déclare tout de go: «La Constitution algérienne limite la pratique des libertés syndicales». C'est en effet le constat, tout amer qu'il soit, qu'a dressé ce spécialiste du droit du travail. Mais il estime qu'il n'y a pas lieu de se leurrer puisque les lois élaborées par l'Organisation internationale du travail (OIT), viennent pour combler ce vide juridique. Comment? A se fier aux déclarations de M.Koriche, l'Algérie a ratifié les conventions internationales régissant le Code du travail «et dans ce sens-là, la règle est claire: la loi fixée par l'Organisation internationale du travail est prioritaire par rapport à celles fixées par la Constitution algérienne. Cette règle est même indiquée dans la loi fondamentale». Et si c'est le cas, qu'est-ce qui empêche les magistrats algériens de l'appliquer? «La problématique qui est posée maintenant, c'est que les magistrats n'ont pas atteint ce niveau. La preuve, ils ne cessent de travailler suivant la législation nationale», déclare le conférencier. Ce dernier a indiqué que cela pourrait changer avec le nouveau Code du travail que prépare le ministère du Travail. Revenant sur ce sujet, Nacer Koriche regrette que ce dossier demeure encore dans le secret des dieux. «Est-ce normal que cela se fasse encore dans le secret le plus total? Pourquoi n'associe-t-on pas les spécialistes, et ceux qui sont concernés de plus près par ce Code?» s'interroge le conférencier. Nacer Koriche est, par ailleurs, revenu sur les mouvements syndicaux, dont la création n'a besoin d'aucun agrément, au même titre qu'une association. «La loi est claire là-dessus: la création d'un syndicat ou d'une association n'a pas besoin de l'agrément des autorités. Ça me fait mal d'entendre encore les syndicalistes qui déplorent le fait que leur mouvement n'a pas reçu l'agrément de la tutelle. C'est faux, tout cela», souligne M.Koriche. «Le seul agrément dont il faut parler, c'est le récépissé que l'administration remet lors du dépôt du dossier. Lequel document devra être remis au plus tard un mois après le dépôt du dossier. Et même si ce récépissé n'a pas été fourni, le syndicat peut être considéré comme légal et tout conflit avec l'administration peut-être porté devant la justice, la seule institution habilitée à se prononcer», conclut leconférencier.