«C'est inopportun, ce n'est pas le moment!», a déclaré l'économiste. C'est autour d'une table ronde animée hier, par M.Abdelmalek Serraï au centre de presse d'El Moudjahid que le consultant algérien, spécialiste des questions internationales dans les domaines économique et financier, a eu à s'exprimer sur la privatisation du Crédit Populaire d'Algérie. Le fil rouge de la rencontre était quant à lui consacré à la crise financière internationale: ses répercussions sur les économies des pays émergents dont bien entendu l'Algérie. Selon le conférencier, son exposé avait pour objectif d'attirer l'attention sur la fragilité de l'économie algérienne. Sensibiliser autour de ce thème. L'Algérie dispose d'un matelas financier évalué fin 2007 à 110 milliards de dollars. Il attise bien des convoitises. Contrairement à bien des thèses de spécialistes qui affirment que l'Algérie est à l'abri de la crise financière internationale, M.Abdelmalek Serraï se montre plus circonspect, très prudent même. «Les Américains peuvent procéder à une dépréciation du dollar pour contrer le marché européen et affaiblir des pays émergents, tels que l'Inde et la Chine», a estimé l'analyste. C'est une bagarre en sourdine et nous risquons d'en recevoir les balles perdues, a-t-il ajouté en substance. Dans la philosophie américaine, le dollar est une arme sérieuse et redoutable. Et ce n'est un secret pour personne. La crise des «subprimes» aux Etats-Unis d'Amérique a servi de détonateur à la crise financière internationale. Elle a laissé sur le carreau quelque 3 millions de citoyens américains. Pour changer la donne juridique de cet état de fait, l'Etat américain a dû raser des quartiers entiers: «Une décision courageuse», a apprécié M.Serraï. Doit-on craindre pour les 43 milliards de dollars déposés dans les banques algériennes? «Ils sont sous protection des Etats-Unis d'Amérique, sous forme de bons du Trésor», a répondu le conférencier. La chute du billet vert risque cependant de se répercuter sur les programmes d'importation ainsi que sur la manne financière. «Cela peut provoquer jusqu'à 40% de pertes», a estimé notre consultant. Certains contrats gaziers doivent être traités de manière très vigilante. La crise pourrait retarder l'aboutissement de certains contrats. «Ce qui pourrait susciter une certaine gêne, autant économique que politique quant à la réalisation du programme du président de la République», a ajouté M.Abdelmalek Serraï. L'économiste a surtout plaidé pour une meilleure gestion des moyens financiers et une meilleure rentabilisation des importations. «Les opérateurs privés algériens ne sont pas bien armés. Ils doivent être accompagnés dans leurs entreprises par des spécialistes et des avocats d'affaires d'envergure internationale», a souligné M.Abdelmalek Serraï. Il a, en outre, relevé l'absence d'un système d'alerte dynamique. Il a appelé à plus de communication. Plus de solidarité du ministère des Finances. «Les autorités financières, telles que la Banque centrale, doivent communiquer pour éviter la spéculation. C'est un devoir national que de dire prudence, prudence», a mis en exergue M.Serraï. En toute apparence, plus ces institutions sont silencieuses, plus elles font peur. En ce qui concerne les 110 milliards de dollars, qu'en pense M.Serraï? «C'est trop dangereux de garder un panier aussi surchargé en dollars. Il faut le consommer, l'investir», a recommandé le conférencier. Et quelles sont les autres précautions à préconiser? «Ce qui peut démultiplier les risques, c'est de diversifier les paniers de devises. Les investir dans des pays comme l'Allemagne ou l'Angleterre», a conseillé M.Abdelmalek Serraï. L'adhésion à l'OMC et le partenariat avec l'UE, M.Serraï n'est pas contre. «Oui, mais pas dans ces conditions. Donnez-nous le temps de nous préparer, et on viendra vers vous», a lancé comme réponse l'économiste. En ce qui concerne les banques algériennes, M.Serraï a estimé qu'elles étaient meurtries par des crédits impayés. «Comment acheter des actions de banques qui n'arrivent pas à récupérer leurs créances?», a-t-il fait remarquer. M.Serraï croit dur comme fer au dynamisme de la jeunesse algérienne. Les moyens ne manquent pas pour la prendre en charge. Une arme redoutable qui pourrait faire le bonheur de son propre pays.