Une atmosphère pesante, un silence de mort. Un jeune sortant de l'imposante mosquée est étonné de notre présence. Depuis quelques années, le nom de Boumerdès ne rime plus avec tourisme et plaisance mais avec le Gspc. Par la force des choses, elle est devenue une région de campement des troupes de l'ex-Gspc et constamment le théâtre d'attentats terroristes. Plus de 400 terroristes, issus de cette wilaya, sont activement recherchés par les services de lutte antiterroriste. La prochaine session judiciaire, qui s'ouvrira samedi prochain va examiner pas moins de 181 affaires de terrorisme. Sur 11 kamikazes recensés, 5 sont originaires de Boumerdès, 3 de Legata, 1 de Chaâbet El Ameur et un autre de Oued d'Afir, dans la daïra de Dellys. Triste affaire pour les jeunes et vieux Algériens de 2008. Jusqu'à quand cela va-t-il durer? Les images sont choquantes et insoutenables, on a du mal à y croire. Boumerdès, Alger, Bouira, rappellent Baghdad et Kandahar, par les attentats suicides répétés. En ces moments tragiques, l'angoisse, la peur et le dépit, se lisent sur tous les visages. Des villes et villages ont subitement replongé dans l'enfer des années 90. Le terrorisme est toujours là, ses capacités de nuisance sont toujours réelles, seules ses méthodes ont changé. En s'alliant à Al Qaîda, le Gspc confirme cette logique de destruction et de chaos, malgré les coups de boutoir incessants que lui infligent les éléments de l'ANP et les services de sécurité. Mais telle une hydre à sept têtes, les groupes terroristes arrivent à se reconstituer pour semer la terreur en mobilisant des moyens humains et matériels importants. Les actions menées sont trop graves et le désarroi gagne du terrain. Lors de notre virée à Legata, une localité meurtrie par le terrorisme, le constat a été le même partout dans cette ville d'apparence paisible: une niche de misère livrée les pieds et poingts liés au Gspc et à la mafia du sable. Un campement de garde communale, une brigade de gendarmerie et un détachement militaire. Fraîchement installé, jouxtant le siège de l'APC de Legata, un barrage fixe de la gendarmerie est dressé devant l'entrée principale de la mairie en chantier. A notre arrivée sur les lieux, une atmosphère pesante et un silence de mort y règnent. Un jeune, rencontré à la sortie de l'imposante mosquée, dressée tout près du siège de la municipalité, est étonné de notre présence, et nous suggère, sur un ton peu commode, d'écrire qu'ici à Legata, il n'y a pratiquement rien, même pas un cybercafé à l'exception d'un terrain vague, non homologué, en guise de stade pour les jeunes. 13 terroristes au maquis Toutefois, à l'intérieur de la mairie, un citoyen sous l'anonymat nous confie: «Nous comptons actuellement 13 terroristes aux maquis du Gspc, si toutefois, on soustrait les deux autres qui se sont fait kamikazes et à vrai dire, il faut compter trois kamikazes», ajoute-t-il en aparté, puisque, en plus de Hafid Mohamed du douar Mandoura et Chibani Rabah du chef-lieu de Legata, il y a aussi Chebli Brahim dit Abou Othmane. Ce dernier est natif de Aïn El Hamra à quelques kilomètres de là, mais il faut dire que ce dernier passait le plus clair de son temps à Legata où tout le monde le connaissait. Il rôdait comme un loup aux abois, appelant les jeunes à rejoindre les maquis et faisant l'apologie des crimes commandités par le Gspc. Pour rappel, Chebli Brahim, un des plus anciens terroristes du Gspc s'est fait exploser le 11 décembre dernier, en se lançant avec un camion citerne bourré de 800kg d'explosif contre le siège des représentations de l'ONU. Ce mardi noir, il provoqua un carnage qui nous renvoyait directement à la tragédie passée. Le bilan du forfait de ce terroriste de 63 ans et de celui de son compagnon Charef El Larbi, dit Abderrahmane Abou Abdenacer El Assimi, natif de Oued Ouchayeh, s'élevait à 44 morts et des dégâts matériels énormes. Tous les deux avaient déjà fait un séjour à la prison d'El Harrach avant d'être élargis. Ces attentats ont été menés pour venger la mort de Abou Haïdara, de son vrai nom Harregue Zoheïr, Alias El Fassila, originaire de Boumerdès et émir de la zone II d'Aqmi. Saâdaoui Abdelhamid Alias Abou El Haïthem, natif de Bordj Menaïel et chargé des relations extérieures d'Aqmi, malgré son faible niveau d'instruction, Ali Diss, Alias Abou Dahdouh, émir de la katiba et quelques acolytes, ont tous été abattus entre octobre et novembre derniers par les forces combinées de sécurité. L'autre kamikaze, Maridh Mohamed, 21 ans et nouvelle recrue, s'en est allé le 11 juillet dernier avec un camion frigorifique, se faire exploser contre une caserne de Lakhdaria, le bilan fut de 12 morts, la plupart étaient des appelés en fin de service. Ce kamikaze est originaire de Mandoura, une localité de Legata. Le tout dernier en date est Chibani Rabah, 28 ans, originaire de Legata, et paysan de son état, utilisant toujours le même mode opératoire. Il s'est lancé avec une camionnette de type Ford, importée et mise en circulation frauduleusement et bourrée de plus de 500kg d'explosif, contre le siège de la police judiciaire de Thénia: le bilan fut de 3 morts et 23 blessés. Cet attentat a été exécuté pour venger l'émir de Béni Amrane, Moumen Kaddour. Bouzegza Abderahmane, est présenté comme le cerveau des attentats d'Alger du 11 décembre dernier. Tout cela est macabre, quand ils ne se jettent pas à la mer, pour rejoindre l'eldorado d'ailleurs, ils se font voler en éclats pour rejoindre un peu plus vite le Paradis promis. A Legata, il n'y a à l'horizon, ni forêt dense ni massif forestier, la localité est traversée tout simplement par l'Oued Isser. Cet oued, assez large, et protégé par une haie en roseaux, et toutes sortes de broussailles, est le lieu de prédilection des activités de l'ex-Gspc, à côté des orangeraies. Le kamikaze au volant de son camion Le même oued, qui se jette à la mer en passant par Zemmouri au nord, contourne les Issers, et va jusqu'à Souk El Had au sud de Legata. Il est le lieu de passage et de rencontre des groupes terroristes. Et c'est à son niveau que se sont tissés les liens étroits entre la mafia du sable et le Gspc. Enfin, on pourrait dire véritablement que la mafia du sable et le Gspc, se sont donné le mot en y mêlant le cannabis et la débauche. Le paradoxe, est que la localité de Legata qui compte plus de 300 chahids, s'est transformée en terreau de kamikazes, selon le président de l'APC de cette municipalité. Lors des élections locales de 1991, ce fut un raz-de-marée islamiste, 6 sièges sur 7 furent raflés par le FIS dissous. La suite est connue à Legata le premier terroriste a pris le chemin du maquis en 1993 tandis que le dernier est monté en 2006, apprend-on. La localité de Legata, à vocation foncièrement agricole, recèle de grandes potentialités agricoles et dispose de ressources hydriques importantes mais qui s'occupe de ces terres fertiles? Personne, nous dit-on. Elles sont pratiquement vouées à la culture du melon et de la pastèque. Plus souvent, les jeunes préfèrent opter pour le nomadisme dans les villes voisines que de travailler la terre. Pis encore, les gens sont plutôt attirés par les vampires du sable. Les sablières sont exploitées pour le compte de la mafia qui sévit la nuit tombée, à Mandoura, un douar situé près de l'embouchure de l'Oued Issers. Ces maffieux qui viennent des quatre coins de la wilaya, et même d'Alger, et Blida participent à l'enrôlement des jeunes, en connivence avec le Gspc.