Première conséquence: l'intégration de la Serbie dans l'Union européenne, clef de voûte de la politique européenne de stabilisation des Balkans, est gelée. Brouille avec Belgrade, tensions dans le nord du Kosovo, remous en Macédoine et Bosnie: un mois après, les Européens peuvent constater que leur soutien au Kosovo indépendant a secoué l'ex-Yougoslavie, qu'ils s'efforcent pourtant de stabiliser. Première conséquence de la reconnaissance du Kosovo par les grands pays européens malgré le refus de Belgrade: l'intégration de la Serbie dans l'Union européenne, clef de voûte de la politique européenne de stabilisation des Balkans, est gelée. Au moins jusqu'aux législatives serbes de mai, convoquées après l'implosion de la coalition entre le parti pro-européen du président Boris Tadic et les nationalistes du Premier ministre Vojislav Kostunica. Les Européens prient pour que le parti de M.Tadic remporte ces élections et relance cette intégration. Mais la brouille pourrait durer: même le très pro-européen ministre serbe des Affaires étrangères, Vuk Jeremic, parle de «trahison» des Occidentaux. La colère est plus forte encore parmi les Serbes du Kosovo, majoritaires dans le nord. La prise de contrôle, vendredi à Mitrovica, par quelque 300 manifestants, de deux tribunaux de l'ONU, qu'ils veulent voir placés sous l'autorité de Belgrade, illustre leur rejet de toute tutelle des Albanais du Kosovo et leur détermination à multiplier les structures parallèles. Ils refusent aussi que la mission européenne de policiers et juristes, censée prendre le relais de l'ONU - qui gère le Kosovo depuis 1999 - et «surveiller» l'indépendance se déploie dans leurs zones. Le chef de la diplomatie suédoise, Carl Bildt, reconnaît que la fracture entre le nord et Pristina pourrait «durer des années». L'indépendance du Kosovo secoue aussi les pays voisins. En Bosnie-Herzégovine, la cohabitation entre Serbes et Croato-musulmans instaurée par les Accords de Dayton (1995) est plus fragile encore qu'avant. Le Parlement de la Republika Srpska a ainsi déclaré avoir «le droit» de faire sécession. En Macédoine, la coalition gouvernementale a éclaté vendredi, avec le départ du Parti des Albanais (25% de la population) dépité par le refus de Skopje de reconnaître le Kosovo. Alors que les Européens espéraient renforcer l'Etat macédonien par une adhésion rapide à l'Otan. Mais cette adhésion est compromise en raison du différend persistant avec la Grèce sur le nom de «Macédoine». Et les remous ne s'arrêtent pas aux Balkans. La Russie, dont les Européens pensaient qu'elle n'alimenterait pas les séparatismes du Caucase, déjoue les pronostics. Elle a levé ses restrictions économiques avec le territoire séparatiste géorgien d'Abkhazie, renforçant la crainte d'une «annexion», selon Carl Bildt. A l'ONU, Moscou est loin d'être seule à soutenir la Serbie dans son rejet du Kosovo indépendant. «Avant c'était l'Irak qui divisait, maintenant c'est le Kosovo», déplore un diplomate européen. Dans l'Union européenne, les divisions, plus discrètes, persistent néanmoins. Chypre et l'Espagne ont dit clairement qu'ils ne reconnaîtraient pas le Kosovo. Les responsables européens minimisent ces turbulences: la situation est «moins mauvaise que certains ne le craignaient», assure le chef de la diplomatie slovène, Dimitrij Rupel, dont le pays préside l'UE. Mais en privé, certains reconnaissent que «c'est le bazar». «C'est précisément pour éviter ça qu'on a tout fait pour arriver à un compromis entre Serbes et Kosovars», finalement impossible, explique un diplomate. Pour revenir au calme, les Européens comptent sur le temps, et les espoirs que suscite dans ces pays encore pauvres la perspective d'une adhésion à l'UE. Ils espèrent démontrer que cette perspective est tangible avec la Croatie, bien placée pour entrer dans l'UE en 2010. Près de 20 ans après l'éclatement de l'ex-Yougoslavie, elle deviendrait le deuxième pays à en être issu à rejoindre le bloc européen, après la Slovénie.