Yazid Zerhouni sera, lui, accusé d'avoir transgressé les lois en interdisant le mouvement Wafa. Revendiquant plus d'un million de voix en dépit de son retrait, en 99, de la course aux présidentielles, le leader du mouvement non reconnu Wafa a accordé un long entretien à nos confrères du quotidien Le Matin, dans lequel il est revenu sur tous les sujets chauds du moment. En tant que principal concurrent du président, Ahmed Taleb Ibrahimi a violemment critiqué les trois années d'exercice de Bouteflika. A l'en croire, en effet, les choses auraient empiré en dépit d'une significative embellie financière. Cela avant d'adresser un message on ne peut plus clair aux décideurs, un message qui n'est pas loin de ressembler à celui lancé dans le même journal par Chérif Belkacem: «que ceux qui ont misé sur le messie attendu tirent les leçons de leur échec patent et qu'ils restituent la parole au peuple...». Taleb, donc, plaide, sans trop le dire, pour des présidentielles anticipées. Cela, sans exiger, comme le font ses alliés du FFS, le retrait immédiat de l'armée de la vie politique. «Ce retrait doit se faire de façon graduelle pour éviter de créer un vide juridique brutal que la classe politique, dans sa composante actuelle, risquerait de ne pas pouvoir combler, ce qui serait lourd de dangers pour le pays». Cela est d'autant plus vrai, aux yeux de ce leader politique, que toutes les armées, même dans les démocraties les plus évoluées du monde, jouent un rôle plus ou moins prépondérant dans les affaires politiques ou autres de leurs pays respectifs. Interpellé sur ses accointances plus ou moins avérées avec l'ex-FIS, ou du moins son électorat, Ahmed Taleb Ibrahimi a, une nouvelle fois, pris la défense de ce parti accusé «à tort» d'être contre la démocratie. Il s'en prendra, au passage, au pouvoir qui a bien choisi quelques leaders de ce parti pour leur donner des postes de responsabilité. Bouteflika est, lui, accusé d'avoir tenté, conjecturalement, de draguer l'électorat du FIS dissous. Une révélation nous est même faite sur une tentative de contacts qui aurait été initiée par le Président en direction de Abdelkader Hachani avant que ce dernier ne soit assassiné. Cela, après avoir, apprend-on encore, «tenté vainement d'obtenir le soutien de Ali Benhadj.» Accusé d'être mal informé, mais aussi partial, le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni sera, lui, accusé d'avoir transgressé les lois en interdisant le mouvement Wafa. Ce dernier, «reconnu par la force de la loi», a, selon ses concepteurs et ses leaders, «satisfait à toutes les exigences». Se défendant d'être un remake de l'ex-FIS, Wafa, tel que décrit par son président, «est le creuset de la mouvance nationaliste et islamique.» Cette tendance, clairement exprimée dans son programme politique, ne l'empêche pas d'être proche des aspirations formulées par la Kabylie. Rappelant d'anciennes déclarations faites par lui en 81, quelques mois après le Printemps berbère, Taleb dira que Tamazight ne constitue aucun danger pour l'islam et l'arabe pour la très simple raison qu'elle est le troisième et indispensable constituant de l'identité nationale. Fustigeant la gestion qui a été faite par le pouvoir de cette crise, Taleb ne manquera pas au passage de s'en prendre au MAK de Ferhat Mehenni: «la Kabylie, contrairement à certaines voix insignifiantes, mais amplifiées à dessein, a été toujours, à travers son histoire, viscéralement attachée à l'unité nationale. Prétendre le contraire aujourd'hui serait une insulte à la mémoire de nos ancêtres, une humiliation de leurs descendants et une agression contre l'histoire.» Mais, pour Taleb, la cause identitaire est loin d'être la seule cause qui a poussé le peuple à se soulever, comme le prouve, au demeurant, toutes les émeutes apparues aux quatre coins du pays. Qu'elles aient ou non été provoquées, il fallait bien que le peuple soit chauffé à blanc pour que la manipulation marche avec cette facilité déconcertante: «(...) il serait particulièrement erroné de réduire les graves problèmes que connaît la Kabylie à la seule question de la reconnaissance de Tamazight. Ce ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt. A l'image de toute l'Algérie, la région est en proie à une situation socioéconomique des plus catastrophiques, dont les remèdes ne peuvent être éludés par un simple article constitutionnel.» Revenant, pour finir, sur la déclaration commune à lui, Aït-Ahmed, Ali-Yahia Abdennour et Rachid Benyelles, Ahmed Taleb Ibrahimi dira ne plus vouloir s'engager dans aucun processus électoral sans de sérieuses garanties pour un «changement radical du régime.»