Il servira d'outil de référence et de rappel de mémoire, grâce auxquels le bijou renaît, et à travers lui une partie de notre histoire renaît... Comme chaque mercredi, la bibliothèque du Palais de la culture a reçu, cette semaine, Wassyla Tamzali, pour parler de son ouvrage Abzim, parures et bijoux des femmes d'Algérie, paru aux éditions Alpha. Wassyla Tamzali en brillante avocate, défendant à juste titre son joyau, en écrivain de talent captivant son lecteur et en oratrice passionnante et passionnée, raconte à un public peu nombreux mais fort intéressé, le parcours qui l'avait amenée à sortir ce livre, paru d'abord en 1984 chez l'Entreprise de presse algérienne, puis réédité, récemment, chez Alpha. Il s'agit là, d'un travail qui a d'abord commencé par une envie toute simple de faire un voyage touristique, à travers l'Algérie, puis par vouloir rendre ce voyage plus intéressant en y joignant, pourquoi pas, quelques recherches et découvertes sur le bijou que portait la femme algérienne, à travers les lieux et les âges. Il fallait donc «sortir les objets-bijoux des vitrines où les avaient enfermés la muséologie et la collection. Les interroger sur les poitrines des femmes, entre les mains des artisans, par la photo et les mots, accomplir ce travail sur la réalité, véritable maïeutique, afin que renaissent des objets.» Et ainsi, ce tout modeste essai au départ, dicté par une passion, a donné naissance à un beau livre qui servira d'outil de référence et de rappel de mémoire, grâce auquel le bijou renaît, et à travers lui une partie de notre histoire renaît... Comme le souligne si bien l'auteur, lors de cette rencontre, «je me suis retrouvée, malgré moi, et par la force des choses à faire de l'anthropologie culturelle, moi qui ne suis pas anthropologue». En effet, cet ouvrage, grâce au travail de recherche accompli, aux photos y figurant, à l'histoire du bijou qui y est raconté et qui amène, par là même, à l'histoire de l'homme qui le façonne, de la femme qui le porte, du sens qu'il véhicule, du symbole qu'il représente...tout ceci fait de lui un outil qui interroge «cette mémoire collective alors que s'estompent les formes et les couleurs des objets qui la désignent». En voyageant à travers les pages de ce livre, le lecteur découvrira la femme d'Aflou, parée de ses bijoux, la danseuse des Ouled Naïl exhibant avec fierté ses bracelets, la chevillière des Aurès, «El-guettara» collier touareg, la «khamssa», le «harz», l'abzim, de la simplicité de sa première forme...à la maturité du style et de plein d'autres curiosités encore, avec chacune son histoire propre...la femme qui se pare de bijoux au retour de son mari, celle qui les ôte à la mort de celui-ci, la ménopausée qui enlève la boucle d'oreille «bularwah» (porteuse d'âme), qu'elle porte depuis sa puberté pour la remplacer par «l'imahriyen», simple boucle d'argent ornée d'une boule de corne et bien d'autres histoires. Ainsi, comme le décrit le célèbre livre de Roland Barthes: «Nous volons sans cesse entre l'objet et sa démystification, impuissants à rendre sa totalité, car si nous pénétrons l'objet, nous le libérons mais nous le détruisons, et si nous lui laissons son poids, nous le respectons, mais nous le restituons encore mystifié». Abzim, parures et bijoux des femmes d'Algérie, dont la première édition est épuisée, méritait d'être réédité et mérite d'être, tout de même, un ouvrage de référence, digne d'une anthropologue qui ne l'était pas, mais qui l'est devenue grâce à cette passion de départ qui a fait de son livre une manière de sauvegarder notre patrimoine immatériel.