Beaucoup d'éléments concourent à accréditer la thèse que ce parti serait en phase de fin de mission. Sans doute serait-il impossible d'aborder la naissance du RND sans s'arrêter sur les pérégrinations et haltes relatives au système dans son acception la plus large d'un côté et la longue traversée du désert du FLN de l'autre. Le RND, rappelons-le, était venu, comme le claironnait ses concepteurs et artisans, capitaliser le fantastique élan populaire du 16 novembre 95, suivi par un autre, lors de la révision constitutionnelle de 96. Déjà, en 95, la tentation était forte de muer les divers comités de soutien du Président Zeroual en un gigantesque parti politique. C'était d'autant plus nécessaire que le FLN ne s'était toujours pas relevé du vote-sanction de 90-91, que la poursuite de la légitimation des institutions du pays était une nécessité absolue au moment où le besoin d'empêcher la mouvance islamiste d'accaparer trop d'ascendant sur les instances dirigeantes était une autre nécessité aussi importante, si ce n'est plus, puisqu'il fallait prouver au monde entier que l'électorat de l'ex-FIS avait était dissous en même temps que ce parti. Un parti qui avait fait couler un maximum de salive et d'encre en un temps record. Un parti, semble-t-il, mort-né, après le tragique assassinat de Abdelhak Benhamouda. Le RND, né depuis quelques mois à peine, sous la direction d'un personnage loin d'être charismatique, a raflé la mise, deux fois consécutives, lors des législatives et des locales de 97. C'en était plus que ce que pouvait supporter la classe politique. La protesta d'octobre-novembre 97, qui avait fait basculer l'Algérie, avait vu marcher côte à côte Hanoune, Djaballah, Nahnah, Benhamouda, Sadi, Djeddaï, Boukrouh et bien d'autres ténors de la classe politique. C'était peut-être déjà le début de la fin pour ce parti. Un parti conjoncturel, venu accomplir diverses basses besognes et s'en aller comme il était venu. Bon nombre de ses élus locaux et régionaux n'ont pas fait grand-chose pour soigner l'image de marque ternie de ce parti. La sale campagne de 98 n'a pas seulement servi à faire tomber le Président et ses proches. Elle a aussi provoqué un changement à la tête de ce parti dans une tentative désespérée de le repêcher. Ouyahia, en soutenant sans conditions la candidature de Bouteflika au lieu de présenter son propre candidat, comme il aurait été d'usage pour le supposé premier parti du pays, a sans doute accéléré le retour du FLN sur le devant de la scène politico-médiatique. Le changement gouvernemental en janvier 2000, qui a fortement lésé le RND, mais aussi les multiples déclarations faites à propos du rapport parlementaire sur la fraude électorale, ont montré à tous que le RND aurait fort à faire pour prouver qu'en 97, il avait gagné si «vite» et si «fort» sans le moindre recours à la fraude. Mais, comme un malheur ne vient que rarement seul, le parti d'Ahmed Ouyahia n'était pas au bout de ses peines. Celui qui, comme son père spirituel, ne voulait plus jamais entendre parler de réconciliation, ni de solution au terrorisme autre que sécuritaire, s'était trouvé en train de trahir les patriotes formant le plus gros de ses troupes en soutenant la concorde, puis la grâce-amnistiante et peut-être même d'autres mesures plus permissives encore. Sur le plan socio-économique, voire juridique, le RND et son patron auront toujours sur la conscience les milliers de cadres injustement incarcérés, les quelque 1.500 entreprises fermées et les 600.000 pères de famille réduits au chômage, à la mendicité, à la misère et parfois même au suicide. La crise de 2002 n'est que la résultante logique d'un parti en perte de vitesse, en majeure partie formé de «militants» uniquement intéressés par leur carrière personnelle. A l'égal des feux de paille ou des météorites, le RND aura brillé de mille feux, jusqu'à donner le vertige, et même l'illusion de l'éternité. Trompeuse apparence, s'il en est, confirmant bien que le long feu de braise du FLN, voire celui des islamistes «soft» du MSP et du MRN valait mille fois mieux.