Quitte ou double : que va décider le Conseil de sécurité ? Très attendue est la décision que va prendre le Conseil de sécurité à propos du rapport sur le Sahara occidental, présenté le 19 février dernier par le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan. Ce dernier, qui n'a pas caché que «les perspectives sont plutôt sombres concernant le processus de paix au Sahara occidental», a proposé quatre variantes pour, selon lui, sortir de l'impasse et consistant: 1) en la mise en oeuvre du plan de paix de l'ONU en son intégralité par l'organisation d'un référendum ; 2) en une modification substantielle de ce qui est appelé «accord-cadre» (autonomie dans le cadre de la souveraineté marocaine), rejeté par le Front Polisario ; 3) à faire une ultime tentative de concilier les positions des deux parties par la proposition de partage du territoire ; 4) à signifier la fin de mission de l'ONU au Sahara occidental. Voilà, en gros, les séquences sur lesquelles s'est arrêté le secrétaire général de l'ONU qui semble ne plus vouloir aller plus loin dans une affaire qui traîne depuis près de trois décennies. Certes, cependant, il appartient toujours à l'ONU, maître d'oeuvre de la paix dans le monde, d'imposer aux belligérants marocains et sahraouis, la solution la plus conforme au droit international et aux résolutions pertinentes, faut-il le souligner ayant accompagné, ces dernières années, le processus référendaire (jusqu'ici avorté du fait des obstacles érigés par le Maroc qui s'en tient à un scrutin «confirmatif» de la «marocanité» du territoire sahraoui). Kofi Annan a sans doute baissé les bras, trop rapidement, sans avoir exploré toutes les voies à même de permettre à l'ONU de donner au peuple sahraoui le droit de s'exprimer dans la transparence et la loyauté sur son destin. Aussi, l'organisation d'un référendum d'autodétermination au Sahara occidental, à l'instar de celui réalisé pour le Timor oriental, reste incontournable, même si des voix, à tout le moins intéressées, se sont fait entendre ces derniers temps pour préconiser la solution proposée par l'envoyé spécial de l'ONU, James Baker, consistant en l'attribution d'une problématique autonomie aux Sahraouis. En effet, soit le territoire en litige est marocain, soit il ne l'est pas, et dans l'un et l'autre cas, seul un référendum organisé dans les règles et les lois internationales départagerait les uns et les autres. C'est ce qui est demandé à l'ONU, garant du droit des peuples colonisés à s'autodéterminer. Car, si effectivement le territoire sahraoui est marocain, l'octroi de l'autonomie à une «province» parmi tant d'autres n'a pas de sens et reste une manoeuvre grossière pour faire l'économie d'un véritable référendum . A la veille de la réunion du Conseil de sécurité sur le Sahara occidental, et au moment où les uns et les autres s'activent pour influer la décision du Conseil de sécurité dans le sens voulu par l'une des parties, le Maroc en l'occurrence, le Front Polisario réitère son attachement au processus référendaire de l'ONU et met en garde contre toute «velléité» de manipuler le dossier sahraoui. Ainsi, Mohamed Sidati, ministre conseiller secrétaire national du Polisario, rejette fermement les tentatives de «linkage», inacceptables, selon lui, de James Baker d'imposer «l'accord-cadre» affirmant: «La tentative qui consiste à faire valoir la troisième voie (accord-cadre) pour justifier la poursuite et le maintien de la médiation de James Baker reviendrait à sacrifier les droits de tout un peuple et attenter aux principes et à la légalité internationales (...)», menaçant: «(...) Au cas où ces manoeuvres perdureraient, le Front Polisario se verrait dans l'obligation de reconsidérer ses relations de coopération et de collaboration avec la Minurso si l'on tente d'assigner à celle-ci une mission autre que celle de l'organisation du référendum d'autodétermination du peuple sahraoui.» Par ailleurs, dans un appel rendu public, hier à Paris, l'Association des amis de la RASD alerte l'opinion internationale sur «ce qui pourrait être une régression du droit international qui, si cela se confirme, marquera le reniement des valeurs universelles, sur lesquelles l'ONU fonde sa légitimité d'action». L'appel rappelle que «depuis 1991, le Conseil de sécurité des Nations unies s'efforce de mettre en oeuvre une solution conforme à la Charte et aux résolutions pertinentes des Nations unies». Aussi, l'ONU joue-t-elle son crédit dans une affaire qui ne doit pas sortir du cadre qui est le sien: une oeuvre de décolonisation. La position de l'ONU est solide ; au Conseil de sécurité de faire respecter et appliquer, par les parties en cause, les résolutions ayant trait au dossier sahraoui. Tout autre alternative ne fera que conforter la tentative de vol, par le Maroc, de l'ancienne colonie espagnole.