Les Français l'ont plébiscité, hier, pour un second mandat devant son adversaire Jean-Marie Le Pen. Les Français, secoués par la qualification au second tour de la présidentielle 2002 du dirigeant de l'extrême droite Jean-Marie Le Pen, ont voté massivement pour Jacques Chirac, président conservateur sortant crédité de 82,5% des voix contre 17,5% pour le président du Front national (chiffres concordants des instituts de sondage). Un large plébiscite certes, mais pas aussi écrasant qu'il était souhaité par les citoyens et la classe politique français. Si les Français ont poussé un «ouf» de soulagement, la satisfaction procurée par la victoire de Chirac était plutôt teintée d'amertume, car malgré un réveil de l'électorat, avec un recul sensible de l'abstention, - selon les instituts de sondage, le taux d'abstention était évalué entre 17,5 et 19%, il était de 28,4 au premier tour - la consultation n'a, en revanche, fait que confirmer la percée de l'extrême droite, dont il faut bien convenir qu'elle dispose aujourd'hui d'une base électorale avec laquelle les partis de gouvernement vont devoir compter. Pendant que la droite classique et la gauche plurielle dormaient sur leurs lauriers, l'extrême droite creusait patiemment son trou. Si personne en vérité ne pariait un kopeck sur les chances de Le Pen de remporter le scrutin, même lui ne le croyait pas malgré ses foucades de circonstance, l'enjeu était en fait circonscrit au score que réaliserait le leader de l'extrême droite. Et là, il faut convenir que la douche est plutôt froide pour les Français qui découvrent que le loup est bel et bien établi dans la bergerie. Certes, Le Pen n'a pas amélioré son score du premier tour, mais il a, en revanche confirmé en maintenant les 17% qui lui permirent d'éliminer Lionel Jospin. Un score flatteur pour le président du Front national qui, plus que jamais, prend date pour les futures législatives où il espère bien revenir par la grande porte au Palais . Il n'y eut donc pas la déferlante attendue pour Jacques Chirac et les Français n'ont pas réussi à ramener à moins de 10% le taux du leader de l'extrême droite (par rapport au suffrage exprimé), afin de réduire son champ d'action et de marginaliser à nouveau la tendance raciste et xénophobe représentée par Jean-Marie Le Pen et son parti. Jacques Chirac, élu pour un mandat de cinq ans, doit d'ores et déjà se mettre à l'oeuvre pour reconstruire une droite totalement déconnectée de son environnement social et politique. Il aura aussi à essayer de réconcilier les citoyens avec la politique - notamment avec ses représentants au niveau de l'Etat -, le fossé n'ayant pas cessé de s'élargir ces dernières années. C'est également le cas pour une gauche plurielle qui a perdu le sens de la mesure, incapable qu'elle est de renouveler des idées aujourd'hui en porte-à-faux avec les préoccupations citoyennes. De fait, dans cette gauche dite plurielle, le Parti socialiste a depuis longtemps perdu ce qui faisait sa force et sa spécificité en se fondant, peu à peu, dans une social-démocratie loin d'être représentative du militant de base. C'est également le cas du PC français qui s'étiole en peau de chagrin à chaque consultation électorale, laissant peu à peu sa raison d'être, de défenseur des causes de la classe ouvrière, à une extrême gauche, trotskiste notamment, dynamique et inventive, plus à l'écoute des petites gens, plus proche de leurs préoccupations. Mais la critique la plus récurrente reste encore le fait que les Français n'arrivaient plus à distinguer entre les programmes de gouvernement de la droite traditionnelle et de la gauche plurielle qui, souvent, se confondaient et que seules des nuances, ici et là, différenciaient. Au-delà donc de l'avertissement ainsi donné aux hommes qui dirigent la France, il n'en reste pas moins que le premier constat à faire est que l'extrême droite est devenue, sans que les Français y prennent garde, une force suffisamment représentative pour inviter les dirigeants français à faire leur introspection et relever les fautes et erreurs commises qui ont permis à Le Pen de s'introduire dans le landernau politique français. Un coup de semonce sans doute bienvenu s'il fait prendre conscience du danger que représente pour la France d'aujourd'hui le me incarné par Le Pen et ses amis, qui contestent ce pourquoi les gouvernements français ont travaillé de concert ces dernières années: donner à la France une place privilégiée et de premier plan dans l'Europe des Quinze, sans doute des Vingt-sept à l'horizon 2010, redonner à la France sa position de terre d'asile et des droits de l'Homme. Toute chose à laquelle s'oppose Le Pen dont le programme consistait à faire sortir la France de l'UE et à «stopper» l'immigration. La réponse des Français à Le Pen, hier, était attendue, mais aurait gagné à être plus franche, sans concession.