La scène politique est dans une grande léthargie. Incompréhensible pour les observateurs étrangers mais largement attendue pour les gens du cru. Dans les années 90, la scène politique locale était des plus animées avec les bureaux des partis ayant pignon sur rue. Aujourd'hui, les choses ont pris une autre tournure notamment depuis les événements du Printemps noir. Les gens semblent avoir pris un certain recul d'avec la chose politique. Un regard sur la scène politique semble nécessaire pour essayer d'avoir une idée plus précise. Pour ceux qui ont vécu cette période allant de fin 1988 à 1995, à Tizi Ouzou, les années présentes apparaissent fades, sans relief et surtout grosses de quelque chose qui semble s'annoncer et qui pourrait éventuellement faire mal. Les gens étaient, à l'époque, «engagés». Ils voulaient et désiraient changer de démarche politique car, fatigués de l'ordre ancien. La liberté c'est aussi la liberté de pensée, de réunion, d'expression. Les partis nouveaux ou récemment sortis de la clandestinité attiraient par leurs programmes, notamment les partis démocratiques. Les bureaux de ces partis et principalement ceux du FFS et du RCD ne désemplissaient pas. La sourde lutte déclenchée entre les militants et sympathisants de ces deux formations était vécue comme une avancée dans la liberté de choisir. Entre eux, le Mouvement culturel berbère (MCB). Les rencontres culturelles, les week-ends culturels, les associations culturelles remplissaient le vide d'avant. Les citoyens s'intéressaient, non pas par attrait de la nouveauté mais parce que les gens étaient comme pressés d'instaurer la démocratie au sens plein du terme. Jusqu'aux comités de villages, les fameuses djemaâ étaient prises d'assaut par les jeunes. Des comportements nouveaux apparaissent. Ainsi, dans les discussions tant au sein des associations que dans les djemaâ, un ordre du jour et une certaine discipline a pris place. Le terrorisme a donné un net coup d'arrêt à ce processus, puis les temps de la colère d'avril 2001, ont carrément achevé les partis pour des considérations bien politiciennes. Cette démarche a laissé bien des empreintes, notamment chez les jeunes. Mais ce qui a le plus fait mal aux formations partisanes c'est plutôt cette déception ressentie par la plupart des citoyens qui avaient peut-être un peu trop sublimé les actions partisanes. Aujourd'hui, les gens accordent très peu d'importance, sinon pas du tout, à ces activités. Pour les uns, «la vie est dure et on n'a pas réellement le temps nécessaire à accorder à la vie partisane», pour d'autres, c'est plutôt une grosse déception qui transparaît à travers leurs propos: «On a élu des gens pour une politique différente mais, hélas, les nouveaux élus ont tout simplement et pour une majorité, singé les anciens comportements des gens du parti unique.» A quoi sert une «révolution s'il faut garder les anciennes mentalités?» Dans l'indifférence Les gens disent ne plus croire en rien et souvent les jeunes surtout emploient un langage plus cru: «L'avenir n'est pas ici, l'avenir est ailleurs. La harga c'est dangereux, c'est sûr, mais si l'on en réchappe on vivra un peu mieux.» Dramatique réflexion. «En tout cas, poursuit ce jeune, il n'est plus question pour moi et même pour ma famille de voter. A quoi sert de perdre son temps: tel maire vaut tel autre. Qu'ils s'arrangent entre eux et qu'ils règnent comme ils l'entendent.» Approchés, les responsables des partis affirment que l'été ne signifie nullement le farniente. Ainsi, pour le FFS, «il y a d'abord la restructuration des sections, ensuite, il nous faudra préparer les festivités du 20 Août et au-delà, il y a cette initiative des trois qu'il faudra sans doute accompagner». Auparavant, il y aura l'université d'été qui se tiendra du côté de Béjaïa. Pour M.Arridj du RCD, «il y a eu une journée de formation tenue le 11 juillet, ensuite, il y a des assemblées générales pour la restructuration des sections». L'université d'été semble être programmée par la direction nationale pour la rentrée. En attendant et selon M.Arridj, «la direction travaille à la rentrée politique». Une rentrée que des responsables des deux partis affirment être importante, car il y a en vue l'élection présidentielle. Du côté du FLN, ce sont des sorties dans les kasmas et aussi apparemment la préparation de la tenue du conseil national, le FLN bombe le torse et c'est certain qu'il a le loisir de le faire car, il a su, à la faveur des précédentes élections, regagner une place inespérée dans la région. Pour un parti donné comme balayé de Kabylie, le retour aux affaires avec une place honorable est un gros succès et ses instances locales travaillent pour arracher encore plus d'espace. Le RND qui n'a pas vraiment réalisé ses aspirations se démène lui aussi pour une petite place au soleil dans la région, mais il lui faudra compter avec son frère ennemi, le FLN. Bref, les partis semblent s'empoigner en dépit de l'indifférence des citoyens. Et comme conclusion, il semble bon de rapporter celle de ce citoyen qui dira: «Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse. Les partis ont trop joué avec les sentiments de la population, aujourd'hui, il y en a marre, qu'ils se débrouillent sans nous.»