Il se pose réellement comme le groupe armé le plus imposant depuis plusieurs années. L'attentat, qui a fait sept morts et une trentaine de blessés à Tazmalt, est le signe d'une autre mutation adoptée par le Gspc. En un mois, il a déjà fait une quarantaine de morts, dans les rangs de l'armée et des civils et s'impose comme un groupe armé transnational et structuré de façon effarante. On sentait venir le danger, pourtant, après la fin du ratissage de trois semaines, à Sidi Ali Bounab. Si dans les rangs des terroristes, il y a eu 26 morts, on a décompté 8 militaires tués dans des accrochages ou des explosions de mines antipersonnel. Le chiffre est revu dramatiquement à la hausse au lendemain du ratissage. Une embuscade terroriste se termine avec 15 militaires tués et 7 autres enlevés à Dellys. Une semaine plus tard, quatre militaires en civil sont enlevés à Boghni dans un faux barrage. Le surlendemain, ces militaires sont retrouvés égorgés à Boghni. Cela fait un total de plus de trente militaires tués en moins d'un mois. Mais tous ces assassinats confirment la logique terroriste du Gspc, qui, vivant en symbiose avec les autochtones, s'en prennent exclusivement aux militaires et à tous les autres corps de sécurité. C'est dans ce contexte qu'il faut apprécier cette nouvelle mutation, s'agissant de l'attentat de Tazmalt. C'est bien, en effet, la première fois que l'organisation de Hattab pose des explosifs dans un lieu public et fait des morts parmi la population civile. On se souvient du communiqué que le Gspc s'est empressé de diffuser l'année derrière après une série d'explosions qui a touché la capitale et sa proche périphérie. Sur un ton menaçant, Hattab a dénoncé les attentats par bombes, déposées dans des lieux publics et réitéré sa stratégie de combat qui consiste à s'en prendre à ceux qui le combattent uniquement. Façon directe de pointer un doigt accusateur sur le GIA. Cette première dans la stratégie du Gspc, depuis sa création, en septembre 1998, soulève beaucoup d'interrogations. Il peut s'agir d'une escalade à «l'aveuglette» pour desserrer l'étau sur ses troupes, encerclées en Petite et Grande Kabylie depuis des semaines, mais arrivant toujours à passer entre les mailles. Il peut aussi s'agir d'une vengeance contre la population locale, qui reste «insensible» aux appels du Gspc, incitant à «une guerre commune contre l'Etat apostat». Ce procédé a été utilisé contre les populations de Ouamri, Ouazar, Berrouaghia ou Beni Slimane, après qu'elles eurent opposé une fin de non-recevoir au GIA, comme il a été utilisé par d'autres groupes armés à l'Ouest contre les populations locales (Relizane, Aïn Defla, Mascara et Bel Abbes). Il y a au moins la certitude que cet acte ne peut être attribué au GIA, version Ouakal Rachid, qui continue à sévir dans le triangle Médéa-Blida-Khemis Miliana. A moins qu'il ne soit le fait d'un groupe autonome nouvellement affilié au Gspc, mais qui garde encore les réflexes du GIA. Cela s'est produit à plusieurs reprises à Annaba, Batna, Souk Ahras, Skikda et Jijel où des groupes séparatistes du GIA ont fait allégeance à Hattab, mais ont continué à utiliser les mêmes procédés terroristes de leur organisation originelle. Quelle que soit l'interprétation de cet attentat, il y a lieu de souligner la force de la machine de guerre lancée par le Gspc, au moment même où une délégation de l'OTAN est reçue par le général de corps d'armée, Mohamed Lamari. Cette organisation, qui a armes et hommes pour mener une véritable guerre d'usure, reste à ce jour l'unique organisation terroriste de nature transnationale. Indexée sur la liste noire de Washington, elle reste extrêmement active, hermétique, structurée et se mouvant dans une aire d'activité qui va pratiquement de Boudouaou à l'Extrême Est, Tébessa et Souk-Ahras, avec une concentration et une préférence pour la région kabyle, qui offre par ses forêts de Mizrana, Boumehni, Sidi Ali Bounab, Takhoukht... autant de forteresses inexpugnables pour le Gspc, véritable Tora Bora, version locale. La stratégie de l'escalade déclenchée par le Gspc dans une région géographiquement, culturellement et linguistiquement délimitée, est d'autant plus complexe qu'elle agit aussi dans une région où les tensions politiques et sociales ont brouillé toutes les lectures. L'hypervisibilité de la violence dans la région et la sous-visibilité de ces partisans rend toute interprétation immédiate utopique.