Ahmed Djeddaï a rendu hommage, à sa manière, à notre journal en lui réservant une exclusivité de taille... Ahmed Djeddaï, d'entrée de jeu, a tenu à «démentir formellement tout contact avec le pouvoir, quels qu'en soient la teneur, le niveau ou le lieu». Cette affirmation est censée mettre un terme aux diverses spéculations sur des rencontres qui auraient eu lieu entre Aït Ahmed et des émissaires du pouvoir. Il poursuivra son propos en rappelant avoir «dédaigné l'invitation au dialogue de Bouteflika pour refuser le râtelier du pouvoir, mais aussi pour éviter toute forme de dialogue alibi». Ainsi, le FFS donne-t-il l'air d'être échaudé par le pouvoir. Il s'en justifie à travers les fracassantes révélations qu'il a réservées à notre journal. «En 91, entre les deux tours, dit-il, des contacts directs ont eu lieu entre Nezzar, alors ministre de la Défense et Hocine Aït Ahmed. Le leader du FFS avait demandé à son interlocuteur si l'armée était homogène et s'il avait les pleins pouvoirs sur l'institution militaire et sur les services secrets. La réponse du général major Nezzar a été comme suit: l'armée est homogène et hiérarchique et j'en suis le chef incontesté. La SM dépend de l'armée dont je suis le chef.» Cette réponse a conduit le leader du FFS à conseiller à son interlocuteur de poursuivre le processus électoral puisqu'il n'y avait pas de danger sur la République. Il avait, dans le même temps, organisé une grandiose marche, le 2 janvier 92, pour montrer que l'Algérie demeurait républicaine. Or, le pouvoir a profité, entre autres, de cette marche pour stopper le processus électoral. A la suite d'une rupture de deux années, de nouveaux contacts ont eu lieu par le biais d'un intermédiaire en la personne de Belkaïd, membre fondateur du FFS. Cet épisode, ignoré des Algériens jusque-là, va leur être révélé pour la première fois dans ces colonnes. «Le général Touati, agissant en 93 au nom de Nezzar, alors ministre de la Défense et membre du HCE, a rencontré les leaders du parti sept fois. Ces préliminaires ont permis deux rencontres à Genève entre Nezzar et Aït Ahmed. Des accords verbaux de la plus haute importance ont pu être trouvés. Ils devaient être annoncés le 5 juillet de la même année. Il s'agissait de très nombreuses mesures de détente, mais aussi de l'ouverture d'une conférence nationale devant déboucher sur une sortie de crise concertée, démocratique et politique.» Mais, curieusement, il n'y eut rien le 5 juillet. Curieusement, aussi, le FFS n'a plus été contacté. Quelques jours plus tard, l'explication devait apparaître au grand jour: «Nezzar avait été limogé et remplacé par Liamine Zeroual à la tête du ministère de la Défense.» «C'est à partir de ce moment, nous dit Ahmed Djeddaï, qu'une guerre tous azimuts a été déclenchée avec les graves résultats que nous connaissons aujourd'hui». «La fameuse conférence de l'entente nationale, véritable parodie de dialogue où les voix discordantes avaient été étouffées par le nombre de délégués ne représentant qu'eux-mêmes, aurait surtout eu pour but de contrer le plan de sortie de crise contenu dans le contrat national paraphé par sept partis à Rome.» Djeddaï, en dépit de ces graves révélations, ne rejette pas foncièrement l'idée de dialogue à cela près qu'il se fasse selon des normes démocratiques, c'est-à-dire sans a priori, sans exclusion et sans primauté d'une quelconque partie sur une autre. «La déclaration du groupe des quatre, de même que le mémorandum adressé par le FFS aux décideurs du pays demeurent, nous dit Djeddaï, négociables pour peu que le pouvoir fasse l'effort d'ouvrir un véritable dialogue franc et transparent pour trouver une solution politique à une crise qui n'a que trop duré et qui a endeuillé le pays tout entier.» Pour finir, Djeddaï tiendra tout particulièrement à «lancer un défi pour un débat en direct à la télévision avec tous ceux qui participent au scrutin afin de montrer au peuple entier l'inanité de leurs arguments».