La calligraphie, l'une des formes achevées de l'art plastique. Lorsqu'il n'est pas pris par son travail au sein du Centre culturel français, Hachemi Mokrane est occupé à affûter ses roseaux en bambou (Kalam), afin de tracer ses merveilleuses calligraphies. Avec son encre et sa recette étonnante, il vous en met plein la vue. Ce fut, en effet, le cas lundi après-midi, à la galerie Isma de Riad El-Feth où l'artiste a animé un atelier de démonstration. Et de sa voix qui crisse dans le silence attentif, il nous racontera la lettre et le sens, le trait et le style... Le public lui, avec ses yeux rivés sur le papier, suivait le plein et le délié dans ce geste sûr de l'artiste. Il faisait connaissance avec ce poète de la calligraphie. Ce dernier prenait en outre, le temps d'expliquer et de répondre aux questions des observateurs, si ce n'est pour prendre la pose qu'il faut pour la caméra qui, elle, avalait par ailleurs le moindre détail de ses travaux pratiques. L'artiste, sollicité de différents côtés, n'en était que plus captivant dans sa minutieuse démonstration et sa libre interprétation. Il parvenait à «inoculer» sa passion de la calligraphie chez certains et à faire naître chez d'autres cette brûlante envie de se mettre aussitôt, à l'ouvrage et d'appliquer la démarche à suivre surtout à la vue de toute cette matière qui gisait devant sur la table, ses kalams, ses pots de peinture préparés avec soin et amour. Cette enrichissante rencontre d'un artiste avec son public nous a permis de découvrir la vision que porte ce dernier sur la calligraphie, d'aujourd'hui. Un artiste au sens plein du terme qui n'aime pas se cloisonner dans un style précis et encore moins donner un nom ou une définition-étiquette à ce qu'il fait. Doté d'un sens créatif très large, il serait vain de tenter de saisir au vol le fond de ses pensées. Observez et vous comprendrez! Si la belle écriture est la définition initiale de la calligraphie, celle-ci, selon Hachemi, fait partie intégrante des arts plastiques. Aussi, elle doit dépasser son sens initial, traditionnel pour accéder à un sens plus contemporain «Je n'ai rien contre cette belle écriture qui existe, au contraire, il faut la préserver! Mais cela ne nous empêche pas d'aller aussi loin dans le contemporain, c'est-à-dire donner un autre sens à la calligraphie», explique-t-il et de préciser: «Au-delà, la lecture textuelle de la calligraphie, celle-ci peut recouvrir aussi, un sens plastique, évoluer, car il est temps de la sortir de son isolement pour lui donner plus de valeur et la marier avec autre chose, une image notamment, un modèle vivant, un nu par exemple... quelle que soit la technique». Parlant de la langue utilisée, l'artiste insistera sur le fait que celle-ci n'est qu'un prétexte. Que ce soit de l'arabe, du chinois, du latin, etc. cela n'a pas un sens essentiel, c'est plus un outil de travail qu'autre chose. Hachemi étayera son argumentation en prenant comme exemple ses derniers travaux où il mariera le Coran à des poèmes d'amour de Victor Hugo. «Ce n'est pas le texte qui m'oriente, mais plutôt sa beauté, oui! La forme, le geste, l'effet que je peux en avoir par la suite». Voulant s'affranchir du stade initial dans lequel notre calligraphie se trouve confinée, l'artiste se plaît à oser de nouveaux itinéraires de création. C'est ainsi qu'il a déjà été amené à faire de la calligraphie latine avec le geste arabe. Le résultat est tout simplement étonnamment beau et original. A rechercher non pas du côté de la lecture textuelle, mais plutôt de la lecture plastique de l'oeuvre. Le but que tend à instruire l'artiste chez le public.