Sa reconduction à la tête d'une nouvelle équipe gouvernementale serait-elle suffisante pour régler la crise kabyle? Le prochain gouvernement Benflis devra s'atteler, dès sa désignation, à préparer le terrain pour les élections locales prévues dans cinq mois. La Kabylie, qui a franchement signifié son refus de tout compromis, à l'occasion des législatives, appelle à cet effet un traitement spécial. La perpétuation de la situation dans la région déboucherait, si aucune solution ne venait à être apportée, à une Kabylie sans assemblée. La tâche de Benflis est, à première vue, bien compliquée. Outre les acteurs politiques classiques, fortement implantés en Kabylie et qui n'en sont pas pour autant plus faciles à gérer, le prochain gouvernement devra faire face à une émergence d'un type nouveau qui a donné bien du fil à retordre, par le passé, aux représentants de l'Etat, les ârchs. A cela s'ajoute, bien qu'en politique stratégique on omette souvent de la citer, une population du quotidien prise dans le feu de la révolte, mais qui se trouve à des années-lumière des calculs politiques que cette dernière a automatiquement engendrés. Avec qui le pouvoir va-t-il discuter afin de normaliser la situation en Kabylie? Chacun des acteurs politiques classiques prend à son compte le bouderie des urnes par la population. Même si le FFS va plus loin en déclarant que le taux d'abstention record enregistré dans l'ensemble du pays, pour les législatives, est une réponse à l'appel du parti à la dissidence citoyenne, il n'en demeure pas moins que la Kabylie a répondu à cet appel avec quelques crans de zèle en plus. Le parti d'Aït Ahmed, à quelques jours du début des émeutes dans cette région, a adressé un mémorandum aux acteurs qu'il juge décisifs pour une sortie globale de crise. Le document prévoit, entre autres, la levée de l'état d'urgence et le rétablissement des libertés individuelles. Benflis ne faisait pas parti de la liste des destinataires. Le FFS, qui attend toujours une réponse à sa requête et d'après le ton de son premier secrétaire au lendemain de l'annonce du résultat du scrutin, refuserait de circonscrire son intervention dans une dimension régionale. Le RCD, quant à lui, entaché par une participation au sein d'instances gouvernementales, résiliée tardivement, est aussi inconstant que les ârchs qu'il soutient mordicus. Le RCD plaide pour une coalition des partis démocrates, un front qui pousserait le pouvoir vers la sortie. Une démarche flexible qui se prêterait sans trop de résistance aux jeux de coulisses. Les ârchs, dernière alternative au gouvernement Benflis, accusés par le FFS d'être le produit des services, ne sont pas un cadeau, non plus. La formation ne répond pas en effet aux schémas consacrés de la représentativité et de la prise de décision. Les ârchs sont aussi derrière des pratiques qui laissent sceptiques sur les possibilités d'établir une communication entre le pouvoir en place et cette formation récalcitrante. L'horizontalité de sa structure a mis en échec les invitations de négociation sans cesse répétées par le pouvoir et à chaque fois avortées par les différentes tendances qui la traversent. Le gouvernement Benflis devra, au vu de l'impasse annoncée, déployer des trésors d'imagination. Renforcé à la tête du nouveau gouvernement par le score de son parti aux législatives, Benflis, jusque-là très discret sur la question de la Kabylie, aura peut-être la liberté d'action qu'il faut pour créer la surprise.