Le leader du FFS n'a guère été tendre avec ses pairs. Aït Ahmed a fait un discours très remarqué hier devant le conseil de la deuxième internationale. Remarqué parce que pour la première fois, sans doute, le leader du FFS a publiquement formulé ses griefs à l'adresse de cette internationale à laquelle il doit tant. Visiblement démoralisé, peu enclin à l'optimisme, Hocine Aït Ahmed a révélé que bien souvent «l'idéal socialiste a été réduit à des contorsions électoralistes (...) incapables d'aucune résistance sérieuse devant les coups portés par le grand capital aux intérêts des travailleurs (...)». Plus virulent encore, Aït Ahmed critiquera ouvertement ce qu'il qualifie d'«unilatéralisme américain» sans doute à cause de son soutien immédiat et franc apporté aux résultats du scrutin du 30 mai. Aux yeux de Aït Ahmed, «la brutalité et l'arrogance (des USA) auraient dû soulever des tempêtes de la part de l'IS». Cela n'a pas été le cas. La voie, déplore le leader du FFS, a été laissée libre aux mouvements extrémistes tels que les islamistes qui ont su canaliser et capitaliser la frustration de très larges pans de l'humanité. Triste bilan s'il en est. D'autant que la suite du discours de Aït Ahmed enchaîne sur les positions classiques du FFS par rapport à la situation en Algérie, basées sur «la junte militaire, la fraude à outrance, les crimes contre l'humanité et le détournement de la manne pétrolière». Le FFS qui, des années durant, a joui du soutien de nombreux dirigeants, ONG et Parlements puissants au niveau mondial et européen, ne pourra plus y compter. Membre de l'Internationale socialiste, le parti de Hocine Aït Ahmed, grâce à ses très puissants alliés, avait même réussi à faire bouger l'ONU à une certaine période du bras de fer réconciliateurs-éradicateurs qui avait failli tourner au désavantage du pays tout entier. Les choses, désormais, sont différentes. Les socialistes ont reculé presque partout en Europe. Même en France, dernier grand bastion des socialistes, la victoire de la droite se précise de jour en jour. Après le plébiscite dont a profité le président Jacques Chirac, tous les sondages concourent à dire que la future Assemblée française serait composée en majorité de députés de droite. Le FFS, qui serait dès lors privé de la plupart de ses soutiens «diplomatiques», se verrait dans l'obligation de revoir sa politique. Tout le monde sait, en effet, que l'essentiel de ses actions percutantes, se déroule à l'échelle internationale et vise, le plus souvent, à mettre mal à l'aise les responsables algériens avec l'aide des dirigeants et des députés socialistes européens. Cela ne sera plus le cas. Même si le FFS est doté de fédérations rompues au travail de proximité avec des militants bien formés, le recul de la seconde internationale ne cessera pas d'être durement ressenti par le parti de Hocine Aït Ahmed. C'est d'autant plus probable que ce parti, résolument inscrit dans la voie de l'opposition pure et dure, sera absent, cinq longues années durant, de la Chambre basse du Parlement algérien. Or, de l'aveu même des dirigeants de ce parti, l'APN a constitué une tribune de choix pour diffuser à très grande échelle les thèses du FFS, permettant aussi à ses députés, sous le couvert de leur immunité parlementaire, d'effectuer un remarquable travail de proximité. Cette fois-ci, les résolutions de l'IS, prônant l'envoi en Algérie d'une commission d'enquête internationale, mais aussi d'interpeller le SG de l'ONU «pour qu'il porte devant le Conseil de sécurité les violations massives et systématiques des droits de la personne humaine», n'ont plus le même effet à cause de la perte de poids de cette institution qui, il n'y a pas si longtemps, arrivait encore à faire et à défaire les chefs d'Etat. Le FFS, qui a connu pas mal d'autres coups durs, s'en remettra sans doute. Mais à quel prix...